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Les dystopies de Baptiste

Qui est Baptiste Morgan?

Baptiste Morgan est, en quelque sorte, mon double littéraire. Il est né en même temps qu'Asmodée Edern, dans un roman (inédit et maladroit) intitulé Feux d’eau. Nous avons, lui et moi, nourri des sentiments contrastés l’un envers l’autre. J’ai longtemps cru qu’il était le pire de moi; mais peut-être est-il le meilleur de nous deux.

Personnage de roman, il appartient au Monde d’Asmodée, qu’il a rencontré dans la troisième partie des Absentes, roman initiatique pour lui. Romancier en herbe, porté par de vastes ambitions mais incapable de lâcher prise et de faire ce qu’il faut pour réaliser ses rêves, sans doute se résume-t-il assez justement dans cette phrase qui deviendra un leitmotiv de plusieurs romans : “On s’invente des histoires pour partir, et on trouve des prétextes pour rester.” Son histoire s’est développée par petites touches, dans des nouvelles (Baptiste à New-YorkDu côté de chez soiVae Victis) ou dans la troisième partie du dernier volet de Montechiarro, Vous qui entrez à Montechiarro

Romancier, il a déjà publié plusieurs romans, qui flirte avec la dystopie. Son nom n’a pas toujours été mis sur la couverture, à cause des réticences des éditeurs; mais il faut rendre à Baptiste ce qui est à Baptiste. Je n’écris pas cela pour tenter de me réconcilier avec lui, mais qui sait, un jour voudra-t-il peut-être revoir ce qu’il avait écrit à mon propos il y a plusieurs années: 

 

Vincent Engel m’enquiquine. Il fait le malin parce qu’il a publié avant moi chez Fayard. Mais sans moi, il ne serait rien. Il prétend n’en rien savoir. Il dit à qui veut l’entendre que je suis son double “adoré et détesté”; il est ma doublure, oui! Il affirme aussi que je suis ce qu’il serait devenu s’il n’avait pas fait certaines rencontres. Son père l’a dit: toujours laisser leurs illusions aux gens! Un jour viendra où j’écrirai la vraie histoire de Vincent Engel. En attendant, je le laisse inventer ce qu’il croit être ma vie. De nous deux, c’est moi qui durerai le plus longtemps…

Le livre d’Asmodée Edern

Pour en savoir plus, vous pouvez vous reporter à la page du Monde d’Asmodée Edern. Je reproduis ici la préface que Baptiste a rédigé, puisqu’il a eu la chance de rencontrer Asmodée.

Je dois tout à Asmodée Edern. Sans doute nombreux sont ceux qui peuvent en dire autant. Son aide est un privilège dont il importe de ne pas se vanter. Mais on doit s’en réjouir. D’autres, peut-être, raconteront un jour comment nous nous sommes rencontrés. Depuis ce jour, je n’ai cessé de suivre Asmodée, jusqu’à ce dernier séjour, dans son ranch américain où, en compagnie d’une dizaine d’amis fort hétéroclites, nous avons passé une quinzaine de jours étonnants, au terme desquels, cérémonieusement, il m’offrit discrètement un cahier recouvert de grosse toile, qu’il m’interdit d’ouvrir avant mon retour à Bruxelles. Aucun mot d’explication, sinon la postface contemporaine de la rédaction, n’accompagnait ce texte invraisemblable, écrit, à en croire la mention finale, plus d’un demi-siècle auparavant. Pourquoi Asmodée avait-il attendu si longtemps pour publier un récit aussi bouleversant, qui remettait en cause les fondements de notre civilisation? Pourquoi me chargeait-il de le faire maintenant — car comment interpréter autrement ce don? Je l’ignore. Tout comme j’ignore s’il faut prendre cette histoire au sérieux. Je me suis rendu compte, après avoir achevé ma lecture, que je ne connaissais pas Asmodée. Affabulateur génial ou démon éternel? Qu’il ait toujours défendu la morale qu’il prône dans cet évangile diabolique, tous ceux qui l’ont rencontré pourront l’attester. Doit-on pour autant croire qu’il a réellement vécu ces événements? Le vertige s’empare de moi; dois-je alors considérer qu’il fut témoin et acteur des multiples récits dont il nous abreuvait sans relâche, avec ce que nous prenions pour une fascinante imagination, mais qui n’était peut-être qu’une remarquable mémoire? Je n’ai pas de réponse à cette question, et je doute que le lecteur de ce récit puisse en apporter une. Quoi qu’il en soit, éternel ou non, Asmodée a décidé que je n’avais plus besoin de lui. Il a disparu. Et quelle que soit sa nature véritable, c’est pour moi comme une mort dont je reste inconsolable. À ceux qui crieront au sacrilège, au nom de leur foi outragée, j’aimerais répondre, comme Gary, que seul le sacré peut supporter le blasphème. Si la religion chrétienne devait succomber à cette publication, c’est qu’elle n’est plus qu’un fantôme prêt à se dissiper à la première bise. Quant à l’auteur de ces pages, je l’ai dit, j’ignore où il se trouve. J’assume ma responsabilité d’éditeur, convaincu que si un Dieu de bonté existe, il ne pourra qu’applaudir à ce récit; et que si ce Dieu est tel que le décrit Asmodée dans ce livre, il n’est que justice de lutter contre lui sans relâche ni répit.

Baptiste à New York

Cette nouvelle, publiée pour la première dans Marginales, montre Baptiste tel qu’il est, surtout lorsqu’il se retrouve au mauvais endroit et au mauvais moment…

Baptiste Morgan était arrivé à New York en début d’après-midi. Dans quelques jours, il fêterait ses trente-huit ans. Ce n’était pas pour cette raison qu’il avait décidé, sur un coup de tête, de s’embarquer pour cette destination où personne ne l’attendait, où personne non plus ne le rejoindrait. Il n’avait aucune raison d’être là. Mais Baptiste était convaincu qu’il n’avait aucune raison d’être nulle part. C’est pour ça qu’il avait choisi New York. Ville où le monde entier se retrouve et où chacun peut se perdre. Micros et Cosmos dans le même bateau. Qui tombe à l’eau ? Baptiste s’était fait sourire, mais cela n’avait pas duré. Il n’avait pas le cœur à sourire. Après avoir récupéré ses valises et avoir pesté sur une douane tatillonne (en français, il avait marmonné, devant le fonctionnaire qui déchiffrait soigneusement son passeport, « Est-ce que j’ai une tête de terroriste, moi ? »), il s’était engagé dans une interminable file pour un taxi et avait fini par répondre positivement à un jeune Noir souriant qui lui proposait un service limousine sans file d’attente. — Welcome to New York, Sir ! Are you here for business or pleasure ? [1] lui avait-il dit en ouvrant la portière arrière de la péniche à roues, noire et lustrée comme un corbillard. — Is there any difference for New Yorkers ? [2] avait répondu Baptiste, avant de s’engouffrer dans le salon plein cuir. Dans un rire tonitruant, le chauffeur avait refermé la portière et était venu s’asseoir au volant. Pendant que Baptiste découvrait, du regard, les merveilles qui l’entouraient, du bar à la télévision et à la hi-fi, l’homme l’invita à se servir de tout à son aise. — Where do you want to go, Sir ?[3] Baptiste n’avait réservé nulle part. Il demanda qu’on le conduise dans un hôtel de bonne catégorie, mais pas trop luxueuse, au Sud de Central Park. — No problem, Sir. I’ll make a couple of phone calls and get you the best room in town ! — A good one will do… — If you need something, just ask me. At this time of day, the drive will take at least an hour. Just sit back and relax ![4] Baptiste avait caressé du creux de la main le cuir généreux sur lequel il s’était affalé et opina de la tête. Le chauffeur referma la fenêtre qui le séparait de son passager et démarra. Baptiste, après une dernière hésitation, se servit un petit bourbon dans un verre en cristal taillé épais et y trempa les lèvres en savourant. Il avait eu une bonne idée, sans doute. Il alluma la radio et rechercha un programme de musique classique. Aux premières notes captées, il reconnut Dido & Aeneas, un de ses opéras préférés. Il vida son verre, le remplit à nouveau et se laissa aller au plus profond du fauteuil en fermant les yeux. Quel dommage que les vols long-courriers ne soient pas aussi confortables… Ils l’étaient, si on y mettait le prix. Au tarif de la limousine et compte tenu du kilométrage, Baptiste aurait pu prendre le Concorde – s’il avait été opérationnel à cette date et si Baptiste en avait eu les moyens financiers. Lorsque le chauffeur l’informa du montant de la course, le passager avala de travers. C’était, à peu de chose près, le prix d’un aller-retour promotionnel – le tarif que Baptiste avait obtenu en achetant son billet à la dernière minute – Bruxelles-New York. Le bonheur éprouvé en savourant Purcell, dans ce demi-sommeil si particulier et qu’il affectionnait, où la musique et le bruit assourdi du monde se mêlaient au fil de pensées de plus en plus confuses, la légère ivresse, tout se dissipa brutalement devant quelques chiffres. Il regretta de n’avoir pas repris du bourbon. — At this price, I guess I can take the bottle with me… [5] Mais le chauffeur n’entendit pas et vint lui ouvrir. Baptiste n’osa pas répéter ou prendre d’autorité l’objet convoité et sortit. Il se sentit même obligé de laisser un pourboire qui le fit tousser discrètement. Lorsqu’il se retrouva dans sa chambre, il était à nouveau de mauvaise humeur. Il maudit ces Américains qui surdimensionnaient tout, à commencer par leurs tarifs. Par la fenêtre, il ne voyait que l’immeuble d’en face. Il n’avait même pas noté le nom de l’hôtel – évidemment trop luxueux – où le chauffeur l’avait déposé. Demain, il en changerait, c’était certain. Enfin… Il verrait. Quelle importance, après tout ? Demain, peut-être, tout serait fini. Il eut un sourire amer. Il n’était pas heureux. Il se coucha sur le lit et alluma la télévision, passa rapidement en revue les dizaines de chaînes toutes plus idiotes les unes que les autres, examina le menu des programmes payants, en s’attardant sur la bande-annonce des films érotiques. Il haussa les épaules. Pas maintenant. Cette nuit peut-être. Il s’assoupit durant une heure. Il passa le reste de l’après-midi à tourner en rond. Il sortit manger dans un chinois quelconque, but trop de vin. Il revint sans rien voir, directement. Il aurait pu se croire dans n’importe quelle ville. Qui lui aurait été indifférente. Pourtant, il croyait aimer New York, même s’il n’y était venu qu’à deux reprises, plus de quinze ans auparavant. Il aimait une image qu’il se faisait de New York. Comme tout le monde, d’ailleurs. S’agissait-il jamais d’autre chose ? New York et l’amour. L’amour… L’amour ! Il rit tout seul dans la rue et personne ne fit attention à lui. Il y a tellement de fous à New York qui rient et pleurent en public… Il était minuit à Bruxelles lorsqu’il regagna sa chambre, décidé à n’en plus sortir avant le lendemain. Il se coucha, ivre, et s’endormit aussitôt. Évidemment, il se réveilla en pleine nuit new-yorkaise, l’esprit étonnamment clair. Il alluma la télévision. Les programmes étaient toujours aussi mauvais. Il était trois heures trente. Il hésita un moment à choisir le programme érotique, puis il se leva et sortit son ordinateur portable de son sac. Il brancha le disque dur miniature qui contenait la totalité de sa discothèque, des écouteurs minuscules qu’il planta dans ses oreilles, se fit une sélection de morceaux et lança enfin le logiciel de courrier électronique. Candice, Je ne sais pas encore si j’aurai le courage de t’envoyer ce mail. Peut-être, juste avant… J’ai en tout cas besoin de l’écrire. Il est trois heures trente du matin, à New York. The Doors m’emplit le crâne, this is the end, my only friend… Sans doute. J’ai toujours été un peu théâtral. C’est peut-être pour ça que je suis venu ici. Sans prévenir personne, pour ne laisser aucune chance de salut. Si je me décide, nul ne viendra frapper à ma porte. Le téléphone ne sonnera pas. J’ai débranché mon « cellulaire », comme ils disent ici. Ils ont raison : ce n’est pas un outil de libération mais d’aliénation. Je ne veux peut-être rien d’autre : être libre. Mais libre de quoi ? À part mon travail, je n’ai guère d’attache. Tu le sais, toi qui te refuses à moi avec obstination. Je me prends pour un écrivain. Je dois être le seul, à peu de chose près. Mais ne va pas croire que c’est le dernier refus éditorial en date qui me pousse à faire ce que j’envisage… J’en ai assez. Quelle prétention ! Vouloir écrire… Se croire capable de créer quelque chose de neuf ! Regarde cette ville ; regarde le monde. Tout a été dit, tout a été fait. Je ne suis qu’une larve qui se croit chenille promise à un destin papillonnesque. Pharaonique. Elle s’enferme dans une chrysalide de fortune et attend. Cela fait vingt ans que j’attends. La larve pourrit et meurt. Les chenilles s’en nourriront peut-être. Personne ne s’en souciera, et c’est justice. Cohen, maintenant. Il m’a toujours donné envie d’écrire. Il suffit que je l’entende pour que la plume – ou plutôt le clavier – me démange. Là, je ne sais pas ce qui me démange. Sans doute davantage l’envie d’ouvrir la fenêtre et de sauter. Democracy is coming to the USA… Serais-je encore là pour l’accueillir ? Ne t’énerve pas, Candice. Si tu lis ce mail, sache qu’il est trop tard. Cela n’a pas la moindre importance. Alors, pour une fois, écoute-moi jusqu’au bout. Ou plutôt, lis-moi jusqu’au dernier mot, au souffle ultime. Baptiste continua à se lamenter ainsi, par clavier interposé, durant quelques heures. Les quelques morceaux sélectionnés repassèrent inlassablement, le grisant plus que le vin de la veille. Les mots s’enfilaient les uns aux autres. Baptiste refaisait le monde en même temps qu’il le détruisait, irrémédiablement. Il lui faisait ses adieux et le monde le pleurait. Un génie méconnu avait choisi de venir mourir à New York. Peut-être était-ce le dernier geste artistique qui lui restait. Qu’on le reconnaisse pour cela du moins. Il prit deux bouteilles miniatures de whisky dans le frigo bar. Tant pis pour l’addition ! Il se vengerait de la limousine en laissant une ardoise lisse comme une pierre tombale. Qu’on y grave le montant de l’addition à côté de son nom, en guise de date ! Sa mort serait son chef-d’œuvre. Il ne savait pas encore comment, mais quand on a du génie, on se tire de ce genre de mauvais pas, non ? L’aube pointait. L’aube arriva. Baptiste écrivait toujours. Le mail serait long à passer par les voies du modem. Appel international. Sur la note, sur la tombe ! Et puis, le grand saut. Tant pis. Rien ne l’attendait, sinon une carrière universitaire aussi triste que la carrière dont serait extraite la pierre bleue qui lui servira bientôt de couverture. Couverture… Son meilleur livre, certainement. Exemplaire unique mais éternel, comme la concession prise au cimetière ; détruit dès que tombé dans l’oubli. Cohen et The Doors se succédaient, inlassables. Baptiste avait mis le volume au maximum. Il n’avait jamais connu une telle aisance pour écrire. Il eut la tentation de relire, mais s’y refusa. Il pourrait trouver que c’était bon, qu’il y avait là un début de roman. L’espoir reviendrait comme un chien têtu quêtant une caresse d’un maître ingrat. Il renoncerait. Il rentrerait chez lui, après avoir visité New York comme n’importe quel touriste. Il devrait payer la note, pour ensuite faire attention à ses dépenses, car aucun à-valoir ne viendrait combler ce trou. Alors, ne pas reculer. Tête baissée, vers cet autre trou que d’autres auront à combler. La lumière du jour avait envahi la chambre. Baptiste écrivait toujours, assourdi, abruti par la musique et la fatigue. Il s’étira, les yeux brûlants, regarda l’heure sur le coin supérieur droit de son écran. 8 h 50. Il eut envie d’un café. Il ôta les écouteurs et prit le téléphone, appela le service du petit-déjeuner. Il dut attendre longtemps avant qu’on lui réponde. — Room 344. I would like a continental breakfast with black coffee.[6] Son correspondant bafouilla. — Sir… Sir… It’s not possible… don’t you know what’s happening ?[7] Baptiste s’énerva. Un abruti débutant, sans doute. Un comble, vu le standing supposé de l’hôtel et la prétendue infaillibilité du service américain ! Il raccrocha brutalement et appela la réception, décidé à faire un scandale. D’une voix cassante, il expliqua qu’on l’avait grossièrement renvoyé alors qu’il commandait un petit-déjeuner tout ce qu’il y avait de plus banal. L’homme, à l’autre bout du fil, n’avait pas l’air plus assuré que le précédent, mais il fit preuve d’un peu plus de professionnalisme. — Well, Sir, I’ll see what we can do. But you know… what’s happening…[8] Baptiste sentit la fureur l’envahir. — No, I don’t know what’s happening, except that I’m supposed to be in a first class hotel and I can’t get my breakfast ![9] Il y eut un blanc, puis une voix qui contrôlait difficilement une colère montante répondit sèchement. — For Christ’s sake, asshole, turn your TV on ![10] Mouché, Baptiste déposa le cornet et alluma la télévision comme on le lui enjoignait. Juste à temps pour voir le deuxième Boeing s’engouffrer dans la tour encore intacte. Il trébucha en arrière et tomba sur son lit. Puis, il se précipita vers la fenêtre et l’ouvrit. Le vacarme d’une ville en guerre se rua sur lui, contenu jusque-là par l’épaisseur d’un vitrage antibruit. Machinalement, il s’habilla et sortit. Bousculé par la foule en panique, il s’avança aussi près que possible du drame. Ses yeux avalèrent des scènes d’apocalypse. Il n’avait pas songé à prendre son baladeur. De toute manière, le bruit des explosions et des sirènes aurait couvert The Doors. Il ne comprenait pas ce qui se passait ; il buvait ces images comme un alcool infâme, une absinthe dont on aurait souhaité qu’elle rendît aveugle instantanément. Mais ses yeux ne s’éteignaient pas, écarquillés, et son esprit enregistrait ce qu’il ne pourrait décrypter que beaucoup plus tard. Plus tard… Lorsque Baptiste rentrerait chez lui. Après plusieurs heures, hagard, il revint à l’hôtel et s’enferma dans sa chambre. Il ranima son ordinateur impassible, ouvrit le message en cours, fruit d’une nuit blanche. Il l’effaça, impitoyable lorsque le logiciel implora sa pitié – « Êtes-vous sûr de vouloir effacer ce message ? ». Puis, il ralluma son GSM et composa un numéro, d’un doigt tremblant. — Allô, Candice ?… Oui, je sais… Tu es devant ta télévision… Hé bien, tu ne devineras jamais où je me trouve !… Mais oui, à New York. C’est fou, non ?… Oh, je ne sais pas… un coup de tête. Je me suis décidé hier, j’ai pris le premier vol. Et voilà… Encore un peu… Tu n’as pas idée… Apocalyptique… Bien sûr, je suis allé… Je ne suis pas très loin, quelques blocs… Pour l’instant, on ne peut rien faire… Ils auront sûrement besoin de volontaires, je vais rester un peu… Pour voir… ce que je peux faire… On se sent peu de chose, tu sais… On relativise aussi… Ça fait réfléchir… Un roman ?… Je ne sais pas. Tu crois qu’on peut écrire une histoire aussi monstrueuse ? Personne n’oserait imaginer un truc pareil… Quoi ? Il y a déjà eu plusieurs romans qui ?… Ah… Quand je rentre ? Je l’ignore… Je présume qu’il n’y aura pas d’avion avant plusieurs jours. Je te préviendrai… Bien sûr, je te rappelle. Tu peux me joindre quand tu veux, aussi, sur mon portable… En attendant ? Je ne sais. Écrire, sans doute. Tu sais bien, je ne sais rien faire d’autre… [1] Bienvenue à New York, monsieur ! Êtes-vous ici pour affaire ou en vacances ? [2] Y a-t-il une différence pour les New-Yorkais ? [3] Où voulez-vous aller, monsieur ? [4] — Pas de problème, monsieur. Je donne quelques coups de fil et je vous trouve la meilleure chambre en ville ! — Une bonne chambre suffira… — Si vous avez besoin de quelque chose, vous n’avez qu’à me le demander. À cette heure, il nous faudra au moins une heure pour atteindre Manhattan. Installez-vous et détendez-vous ! [5] À ce prix, je présume que je peux emporter la bouteille… [6] Chambre 344. Je voudrais un petit-déjeuner continental avec du café noir. [7] Monsieur… monsieur… ce n’est pas possible… Vous ne savez pas ce qui se passe ? [8] Bien, monsieur. Je vais voir ce qu’on peut faire. Mais vous savez… ce qui se passe… [9] Non, je ne sais pas ce qui se passe, sinon que je suis supposé être dans un hôtel de première catégorie et que je ne parviens pas à me faire servir un petit-déjeuner ! [10] Nom de Dieu, enfoiré, allume ta télévision !

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