L’homme mouillé, Antoine Sénanque, Paris : Grasset, 2010. 204 p. 17 €
Dans son dernier roman, Philippe Claudel ravivait l’imaginaire de Kafka. Il n’est pas le seul, en cette rentrée ; avec cet homme mouillé, Antoine Sénanque prouve combien l’auteur praguois reste notre contemporain, à travers ce roman prenant, dense et poétique. Pal Vadas est une réincarnation aqueuse de Grégoire Samsa, le pauvre héros de La métamorphose. Atteint d’un mal inexplicable — il secrète des litres et des litres d’eau de mer, algues comprises —, cet être impassible et indifférent assiste à la montée du nazisme dans la Hongrie de 1938-1940. Par delà Samsa, il rappelle aussi Meursault, le héros de L’étranger de Camus ; mais les seaux d’eau qui se déversent à travers lui ne le tuent pas ; ils se contentent d’illustrer, comme la parabole d’une apocalypse passée, la montée d’une boue brune qui a ravagé notre monde et dont la menace, sans doute, n’est pas effacée. Faut-il chercher la petite bête, surtout dans tel cas ? Pourquoi donner à son personnage le prénom du père d’un président français, lui aussi originaire de Hongrie ? Le titre du roman prendrait alors des significations abyssales…
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