
Rien de ce qui est digne de respect, écrit plus ou moins Romain Gary, ne craint l’irrespect. Et la littérature, plus encore même que le cinéma, se plaît à manier l’humour pour traiter de choses sérieuses. Même si l’humour n’est pas toujours perçu par le lecteur. Ainsi, La métamorphose de Kafka est considéré comme un texte angoissant, sinistre, alors que son auteur le lisait à ses amis en éclatant de rire. Il y a des passages de L’étranger de Camus, notamment ceux où Raymond convint Meursault d’écrire la lettre de faux témoignage, qui comportent eux aussi une grande charge ironique, ils sont écrits avec un ton qui annonce le petit Nicolas.
Politesse du désespoir ou coup de pied à ce point subtil qu’il échappe à la censure – laquelle, par définition, est imperméable à l’humour –, l’ironie littéraire prolifère particulièrement là où sévit la dictature, qu’elle soit religieuse ou politique. Voltaire était un virtuose ; plus près de nous, Boulgakov s’en est servi pour produire un des chefs-d’oeuvre du XXe siècle : Le Maître et Marguerite. Et l’on peut découvrir aujourd’hui un extraordinaire roman chinois, signé par Mo Yan, La dure loi du karma paru aux éditions du Seuil. Dans cet énorme roman, qui commence par l’exécution du narrateur en 1950, on va suivre, à travers ses réincarnations en différents animaux, toute l’évolution de la Chine et de la révolution communiste. Drôle et intelligent ; à ne pas manquer.