Je suis très attaché au bouchon de liège qui ferme nos bouteilles de vin. C’est un élément clé dans le cérémonial de la dégustation, un produit naturel qui se fait garant d’une des plus nobles conquêtes de l’industrie humaine… Sur une terrasse au-dessus de Florence, nous avons rencontré Jan et Karine, qui venaient d’Anvers. En néerlandais et en français, nous avons parlé de notre pays autour d’un bon vin. Certes, comme nombre de mes compatriotes, j’ai, durant cet été, pris mes distances avec notre pays, et pas seulement pour des questions de climat. Par Internet, je suivais de loin les négociations en cours. J’étais parti confiant ; comme je l’avais écrit dans ma dernière chronique, cette fois, tout était réuni pour trouver un véritable accord. Jan et Carine partageaient cet espoir. Au-delà des manœuvres politiciennes, des tensions nationalistes, il y avait un fond commun, une identité… Qu’il est doux d’être belgicain sous le soleil de Toscane ! Plus tard, en Dordogne, nous avons fait la connaissance d’un industriel belge, Yves Noël, originaire des cantons de l’Est, et dont la société est leader mondial dans… la fabrication du bouchon de vin artificiel. Horreur ! Du plastique sur du vin ! Mais sous le soleil du Périgord, on excuse beaucoup de choses… Et puis, là aussi, on évoque la Belgique. Sur Internet, je fais des recherches et tombe sur une interview de cet industriel, qui date de 2008, et dans laquelle il affirme : « Nous disposons d’un pays formidable, riche de par sa diversité, ses ressources industrielles et intellectuelles. Nous pourrions être l’une des nations les plus performantes du monde et nous gaspillons la moitié de nos forces dans des querelles stériles. » La dégradation de l’image de notre pays conduit à une chute des investissements étrangers… C’était, en quelque sorte, la prolongation de notre discussion toscane – cette fois, le verre à moitié vide plutôt qu’à moitié plein.
Vous vous demandez où je veux en venir, non ? Ça vient. Je rentre en Belgique et ouvre un de mes précieux flacons bordelais au traditionnel bouchon de liège. Horreur : il est bouchonné ! Bon pour l’évier… Pour se consoler, je me rabats sur une bouteille d’un Côtes-du-Rhône. Stupéfaction : son bouchon est synthétique, et le vin est remarquable ! Yves Noël concluait son interview par un appel : « rassemblons-nous autour de ce qui nous unit et organisons-nous pour vivre avec nos différences comme le font de nombreux pays multiculturels à travers le monde. » Le lien avec le bouchon et le vin ? L’essentiel, c’est la qualité du breuvage, de ce vin qui est le fruit d’un travail de longue haleine, un produit hautement culturel, élaboré, composite… Les vins évoluent, la Belgique peut aussi évoluer. Faut-il dès lors accorder une importance démesurée à la matière du bouchon, quand celui-ci peut gâcher le contenu ? Ces institutions dépassées, ces accords désuets et, plus que tout, l’insupportable « bouchon » (poussé toujours trop loin) que représente l’attitude des francophones dans le traitement de la scission de BHV, laquelle doit se faire sans compensation… C’est ma première résolution de septembre : je ne hurlerai plus au sacrilège si un grand cru porte un bouchon synthétique. Et je souhaite à notre pays de changer de bouchon au plus vite : de nouvelles règles, de nouveaux équilibres, fruits de l’imagination de gens de bonne volonté. Offrons du vin à nos négociateurs ! Mais surtout, qu’importe le bouchon, pourvu qu’on ait l’ivresse… C’est une fable, bien entendu, toutes ces histoires de bouchon et de vin. Les derniers soubresauts de l’euphorie estivale. Chez nous, on brasse de la bière, qu’on bouche avec une bonne capsule de métal, laquelle, une fois tordue, ne peut plus servir à rien. À la Trappe, la Belgique ? L’ivresse de Dardenne nous donne à tous la gueule de bois ; avec des gars pareils, on va mettre le pays en bière… Elio, Bart, et tous les autres ! Buvons du vin clairet ! Wijn op bier is plezier !
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