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Les petits partis sont-ils partis ?

À l’invitation de Manuel Abramowicz, j’ai accepté de signer une carte blanche, publiée le 7 mai dans Le Soir, stigmatisant un des nombreux problèmes que posent les élections anticipées qui nous attendent le 13 juin prochain : les délais seront si courts que les petits partis n’auront vraisemblablement pas le temps de rassembler les quelques 500 signatures nécessaires pour constituer une liste (et il en faut 5 000 pour une liste au Sénat). Par «petits partis», on n’entend pas les listes d’extrême droite, ni la NV-A, le VB ou la LDD, mais le Rassemblement Wallonie-France, les Chrétiens Démocrates Fédéraux, le PTB et le PVDA, la LCR et la SAP, et quelques autres, dont Pro Bruxsel qui milite pour une capitale réellement bilingue. Au total, 120.000 électeurs leur avaient accordé leurs voix lors du précédent scrutin. Cela représente 5 % dans le collège francophone. Pas grand-chose, diront certains; c’est pourtant la marge à laquelle on mesure une démocratie, la possibilité de poser un vote sanction, même si ce n’est pas d’une grande «utilité». C’est de toute manière plus «utile» et certainement plus démocratique que le vote nul ou blanc, ou l’abstention.

La solution proposée par Manuel Abramowicz : que les partis autorisent leurs députés à signer pour permettre à ces petites listes de se présenter. Rien ne prouve cependant, à l’heure où j’écris ces lignes, que les partis suivront ce conseil ; après avoir été incapables pendant des mois de mettre sur pied un gouvernement efficace, après avoir fait tomber lamentablement celui qui aurait dû régler des problèmes pendants depuis des années, les «grands» partis pourraient chercher, dans la précipitation qu’ils nous imposent, à s’accaparer l’électorat, au risque de manifestations électorales purement négatives, ou d’un report massif vers les partis d’extrême droite qui, eux, seront présents.

Cela dit, si j’ai soutenu cet appel par conviction démocratique, je pense aussi que le vote pour de tels partis n’est pas le geste le plus efficace. On n’est pas démocrate parce qu’on est de mauvaise humeur. Le système électoral belge empêche des majorités claires ; la dispersion opacifiera encore la situation. Mais les «grands» partis doivent lutter contre cette dispersion en clarifiant leurs positions et en faisant preuve de plus de responsabilités. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés réside dans le fait que les candidats sont comme des salariés en CDD qui travailleraient à la fois chez Coca et chez Pepsi; ils se présentent au fédéral en se faisant élire au niveau régional sur des critères de défense d’intérêts locaux. On n’arrivera à rien tant qu’on n’aura pas une circonscription nationale pour les élections fédérales.

On n’arrivera à rien non plus tant qu’on n’aura pas réglé BHV et changé d’attitude. La responsabilité de ces élections inutiles n’incombe pas seulement au VLD. On a beau jeu, dans la partie francophone du pays, de rejeter la faute sur les ultimatums flamands ; mais je peux comprendre la rage que certains, en Flandre, ressentent devant le concert unanime des présidents de parti francophone qui, sur un ton de Maître d’école très calme, affirment qu’ils sont bien entendu pour la négociation, mais qu’il faut du temps… Tout ça pendant qu’Olivier Maingain, certainement aussi néfaste à la démocratie que les plus extrémistes indépendantistes flamands, jette de l’huile sur un feu qui ne réchauffe rien de bon. Aux «ultimatums» flamands répond le pourrissement francophone; BHV aurait dû être réglé depuis longtemps. J’ai beaucoup appris sur ce dossier depuis que j’ai l’honneur d’écrire dans ce journal ; à mon avis, la scission ne demande aucune compensation. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas une très large discussion sur la réforme de l’Etat.

N’est-il pas temps de passer à des dossiers cruciaux et de libérer notre débat politique de crispations communautaires qui sont, à l’aune des enjeux et des défis actuels, un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre  ? Des enjeux face auxquels même le niveau fédéral est microscopique…

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