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Illégal

La vision du film Illégal d’Olivier Masset-Depasse (un belge) m’a bouleversé. Non que j’ai découvert le problème des personnes en situation « irrégulière » sur notre territoire ; cela fait longtemps que je suis le dossier et que je participe, quand et comme je peux, aux actions organisées par des comités de soutien. Mais on fait toujours si peu… La vie reprend son cours. Les fausses priorités nous accaparent.

C’est cela que m’a rappelé le film. Et de là est (re)partie une réflexion sur ce que sont véritablement l’illégalité et l’illégitimité.

Peut-on décemment se comporter comme le font nos autorités envers des personnes arrêtées (pour ne pas dire piégées), parce qu’elles vivent sans permis de séjour chez nous ? Ces gens ont pris des risques énormes pour arriver chez nous. Ils ont parfois mis leur vie en péril. Englouti toutes leurs économies. Ont été arnaqués par des truands, les pires des mafieux qui font de la détresse leur fond de commerce. Souvent, ils vivent chez nous depuis des années, assument des boulots dont les Belges ne veulent plus. Leurs enfants sont scolarisés, ce qui veut dire que des directeurs d’école ont accepté de les inscrire en dépit de leur statut précaire.

Et puis, il arrive que l’un ou l’autre se fasse prendre. Alors, la machine se met en route. Il faut démontrer que l’État fait quelque chose contre l’immigration « illégale ». Centres de détention, menaces, expulsions. Violence, inhumanité. Des frais énormes dépensés pour malmener les droits humains, auxquels nous prétendons être tellement attachés que nous nous engageons dans une guerre contre Kadhafi. Et, au final, pour quel résultat ? Au niveau de l’immigration, presque aucun. Ceux qui sont reconduits ne sont que les perdants d’un jeu de dupes. Ils se sont faits prendre, c’est leur seul tort. Ils reviendront peut-être. S’ils le peuvent. S’ils en ont les moyens, physiques, financiers, psychologiques.

Illégaux, donc ? Je n’ai jamais accepté d’excuser une erreur par une autre erreur, mais il est nécessaire, simplement, de remettre les choses en perspective. De rappeler un principe clé, celui de la mesure.

Pour pouvoir se prononcer sur l’illégalité d’une situation, il faut être sûr d’être juste et parfaitement légitime.

Où est la légitimité d’un État qui n’arrive à rien contre les mafias responsables de cet ignoble marché humain ? D’un gouvernement fédéral qui part en guerre et concocte un budget alors qu’il est en affaires courantes et échappe à la censure démocratique qu’un Parlement pourrait lui imposer ? D’un Parlement qui accepte de jouer un jeu qui le disqualifie ? D’une Europe qui attaque un tyran qu’elle a armé (comme tous ceux qui sont tombés, par chance, sans que l’Occident n’ait eu à intervenir) mais qui, sans doute, n’a pas renoncé, en cas de retournement de la situation, à lui laisser à nouveau un terrain de choix pour installer sa tente lors d’une prochaine visite officielle ? D’un Occident qui, pendant ce temps, laisse la situation en Côte d’Ivoire se dégrader et la guerre civile s’y préparer, dans la plus parfaite indifférence ? D’une gouvernance qui sauve des banques gérées par des irresponsables ingrats sur le dos des contribuables ?

Notre monde, notre système, notre démocratie marchent sur la tête. Les États sont au service des puissances économiques, qu’elles aient pignon sur rue ou qu’elles se déploient dans l’ombre et la pire des fanges.

Il faut remettre cela d’aplomb. C’est-à-dire prendre en compte les gens. La détresse humaine et les attentes citoyennes. Faire pousser l’espoir. S’attaquer aux causes de ces drames plutôt qu’à leurs conséquences. Assumer ses responsabilités, GOUVERNER, localement, mondialement. À long terme. Pas comme un représentant de commerce qui ne songe qu’à son chiffre de voix.

Une utopie ? Dans la dystopie de notre quotidien, n’est-ce pas la seule manière de garder un peu d’espoir ? Et peut-être serait-il judicieux que nous relisions tous La désobéissance civile écrite par Thoreau en 1849 et toujours si actuelle : « Quel est le prix d’un honnête homme ? Il attend, plein de bonne volonté, que d’autres apportent un remède au mal, qu’il n’ait plus à regretter. Au mieux, il donne une voix bon marché au bon droit quand il passe à sa hauteur ! Il y a neuf cent quatre-vingt-dix-neuf professeurs de vertu pour un homme vertueux. »

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