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Derrière les fausses apparences

Il faut se remettre de cette dernière rentrée littéraire… D’abord, l’avalanche de sujets dominants : des couples qui se croisent, se décroisent, se font, se défont, trois p’tits tours et puis s’en vont ; des nombrils et des sexes égotiques, encore et toujours ; des trois fois rien sur pas grand-chose, promus à renfort de copinages et de relations… Avec l’apothéose du n’importe quoi : la promotion par tribunaux interposés (un classique depuis quelques années, et certains diront même que c’est Flaubert et Baudelaire qui ont inventé le concept, lorsque “Madame Bovary” et “Les fleurs du mal” furent condamnés pour pornographie) du dernier opus de Beigbeder, et celle par presse pipole (et autre) du dernier délire d’un ancien président qui nous impose de prendre ses délires pour des œuvres d’art et sa prostate pour une lanterne de la littérature moderne – avec tout ça, ajoutons que VGE siège à l’Académie, ce qui n’est pas pour raviver le “prestige” d’une institution où, comme le disait l’autre, ils sont quarante à penser comme un. On parle donc d’un roman pour un chapitre qui ne s’y est trouvé, brièvement, que pour susciter la polémique (et quelle polémique ! Un voyou doré qui se jette une ligne de coke et se retrouve au commissariat, l’horreur intégrale, la honte de la démocratie…); et d’un autre, pour des amours qui n’ont pas existé. La belle affaire ! Beigbeder n’est pas la victime d’une dictature ignoble et Lady Di n’a pas couché avec Valéry Giscard d’Estaing, ce qui n’empêche ni l’un ni l’autre de faire mousser la presse autour de leurs bouquins respectifs (mais peu respectables). Et tandis que les médias parlent et reparlent de livres qui n’on aucun intérêt littéraire, des centaines d’autres (je n’exagère pas ; cette année encore, on dénombre plus de 600 nouveaux romans en français) passent à la trappe. À peine s’ils ont le temps de sortir des caisses, chez les libraires, de tenter leur chance, entre les mains des lecteurs qui se disent, consciemment ou non, que “ça” ne doit pas être terrible puisqu’on n’en a pas parlé “dans le poste”. Pourtant, je peux vous le dire, les véritables émotions que j’ai eues, dans cette rentrée littéraire, ce sont des premiers romans qui me les ont offertes. Des auteurs, comme Annelise Roux, Pierre Stasse, Estelle Nollet, qui nous rappellent ce que doit être la littérature pour ceux qui la produisent : une prise de risque énorme, une révolte, un combat vital contre le réel et la servitude qu’il tente de nous imposer. Tout le contraire des poncifs, des formules brillantes et creuses, ces fausses lumières qui attirent et ne libèrent, au mieux, qu’un petit filet de fumée malodorante. Alors, lorsque vous irez dans une librairie, dédaignez les évidences, baissez-vous pour voir sous les arbres des promotions tintamaresques. Il y a là des livres créés par des gens qui ont joué gros et qui attendent, maintenant, que vous leur donniez une chance de vivre.

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