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Bienvenue en Lilliputie

On ne devrait jamais prendre de vacances. Ou alors, ne jamais rentrer. Surtout quand on habite un tout pays lilliputien qui vous invite à revenir au roman de Swift, « Gulliver’s travel ». Swift avait écrit ce roman en 1720 à la suite d’un aléa boursier fameux qui, après avoir décuplé la valeur des titres de la Compagnie des Mers du Sud, avait fini dans un effondrement catastrophique, digne des pires krachs boursiers du XXe siècle. Du petit au gigantesque, puis à l’infiniment petit… Alors que le monde surfe sur les montagnes russes de l’instabilité, notre pays s’enfonce plus que jamais dans la Lilliputie. Un synonyme ? La médiocrité. On nous dit que, depuis que la NV-A a été écartée et que le CD&V a accepté d’être raisonnable, on va enfin trouver une solution et former un gouvernement. Pas tellement parce qu’on s’est dit qu’il fallait être responsables, politiquement, mais parce qu’on a peur que les agences de cotation dégrade la note de notre pays. Et qu’il faut bien se rendre compte, comme le rappelait justement l’ambassadeur des Etats-Unis, que si la Belgique et Bruxelles signifient — non sans mal — quelque chose au niveau international, la Flandre et la Wallonie ne représentent strictement rien, même si telle ou telle communauté dépense des millions d’euros pour installer une représentation à New York ou à Tombouctou. Au début du XXe siècle, grâce au Congo et à l’industrie, la Belgique était la deuxième puissance économique mondiale, et aujourd’hui, Bruxelles symbolise l’Europe, pour le meilleur et pour le pire. Mais au mieux, la Flandre triomphante ou la Wallonie remontante ne représentera jamais rien, symboliquement, à l’échelle d’un monde où l’Occident, de surcroît, est en perte de vitesse. Mais nous en sommes encore à discuter de la scission de BHV… Et si l’écartement de la NV-A a ouvert des perspectives de résolution, les déclarations ridicules du plus lilliputien des lilliputiens, Olivier Maingain, viennent à nouveau tout menacer. De Wever représente au moins 30 % d’électeurs flamands ; Maingain ne représente presque rien. Mais il s’arroge le droit, au nom d’une démocratie dont lui seul aurait le secret, de peser comme s’il avait à lui seul une majorité absolue. Quel francophone a le courage de dire haut et fort que la scission de BHV doit se faire sans compensation, et au plus vite ? A part Philippe Moureaux, je n’en vois pas… Pourtant, c’est l’évidence. Pour exister, comme le pire des nationalistes et des populistes, Maingain surfe sur toutes les vagues : « vérités » à l’emporte-pièce, sans arguments ni preuves, se présenter comme le champion de la démocratie parce qu’il est capable de tirer à vue sur tout le monde, même ceux qui sont supposés être ses alliés, dramatisation, exagération, victimisation. Ce qui est vrai, c’est que si on trouve enfin une solution viable, non seulement pour BHV, mais aussi pour la Belgique, c’est l’existence politique de Maingain qui est menacée – plus certainement que celle de De Wever, car Maingain n’est pas le défenseur d’une « nation » « belgo-francophone » ou d’une culture, mais simplement de quelques privilèges pour une minorité d’électeurs, dans une partie très circonscrite du pays. Et quand il dit que « si la Flandre continue à s’approprier Bruxelles, c’est la première cause de l’appauvrissement de la Wallonie », on a envie de pleurer, tellement c’est bête, démagogique et faux, à tous points de vue.

On a juste envie d’une chose : envoyer tous ces « responsables » faire un voyage de Gulliver. Ouvrir les yeux sur les réalités et les enjeux. Qu’ils comprennent que leurs tergiversations sont un luxe scandaleux, une injure à la démocratie et à toutes les régions du monde pour lesquelles la démocratie reste encore un idéal porteur d’espoirs. « Deux minutes de courage »… Ces paroles de Leterme, de hauts magistrats les ont reprises. Tant que certains s’arrogeront le droit de leur opposer deux minutes d’arrogance gratuite et de démagogie, on peut craindre que cela ne suffira pas…

(Cet article a été écrit pour De Standaard deux jours avant l’accord arraché par Di Rupo. On peut espérer que le courage l’a emporté sur l’arrogance…)

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