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  • Bienvenue | Site officiel de Vincent Engel

    Bienvenue Bienvenue sur la nouvelle version de mon site ! Vous y découvrirez mes livres, mes spectacles et mes projets. Vous pourrez également lire mes chroniques littéraires et politiques, dialoguer, poser des questions, inscrire des rencontres à votre agenda et commander en ligne. La page des « Mondes » est désormais active ! Découvrez-la et inscrivez-vous pour être tenu au courant! Plus d'infos Inscription Découvrez mon dernier roman Vous qui entrez à Montechiarro Le dernier tome de ce “Monde d’Asmodée Edern”, débuté en 2001 avec Retour à Montechiarro … En lire plus… La plupart de mes livres — certains en exclusivité — sont disponibles à la vente directe via la boutique du site. La boutique Les mondes de la fiction Le monde d'Asmodée Edern, les dystopies de Baptiste Morgan, le rêve de Maramisa ; découvrez les univers qui englobent la plupart de mes romans. Explorez Le blog Des comptes rendus littéraires, mais aussi des prises de position sur des questions de société et des réflexions sur l'écriture… Le blog Mes livres De la fiction à l'essai, en passant par le théâtre et la poésie Les livres Mes spectacles Théâtre, shows de Franco Dragone, spectacles musicaux… Les spectacles Mes projets ​ Genre de la nouvelle, francophonie, actualité, engagements divers… Les projets Discutons ! À travers le forum, vous pouvez poser toutes les questions relatives à mon travail ou mes projets, et consulter les réponses déjà données à des questions similaires. Cet outil s'adresse tout particulièrement aux élèves qui doivent fournir un travail sur un de mes textes ; mais il est ouvert à tout le monde. Le forum Aucun événement à venir pour le moment

  • La peur du paradis

    > < La peur du paradis Romans Infos Sous le nom de : ​ 2011 Livre de Poche Édition : Jean-Claude Lattès 2009 Poche : L’Italie au lendemain de la Première Guerre. Entre mer et forêt, au coeur des Pouilles, se niche le village de San Nidro où grandissent Basilio et Lucia. Née de parents inconnus, Lucia est différente et les villageois s’en méfient : enfant presque sauvage, elle est l’amie des signes envoyés par la nature. Basilio, lui, vient de perdre son père. Pour conjurer le chagrin, il oscille entre deux mondes, sa vie de pêcheur sous la voile du sage Luigi, l’univers magique et inspiré de la petite fée des bois. Liés par le destin, Lucia et Basilio s’aiment et se jurent fidélité sans même se l’avouer. Mais un acte irréparable (un bûcher dressé par les enfants pour incinérer le corps du vieux Filippo, qui avait pris Lucia sous sa protection) va faire basculer ces amours enfantines dans le cours tragique de l’Histoire. Sur ordre des fascistes, Lucia est enfermée dans un couvent de Bari. Elle parvient à s’enfuir et se retrouve à Rome. Basilio, désespéré, fera tout pour la retrouver. Une quête faite d’espoirs et de rendez-vous manqués à l’heure où l’Italie mussolinienne pactise avec le diable… Une destinée à mille lieues du « paradis » de San Nidro attend les deux jeunes gens au cours de ce roman envoûtant. Après sa période toscane, Vincent Engel nous emporte dans une géographie sauvage et romantique où affleure toute l’âpreté d’un Sud qui échappe au temps. Il était descendu sur la plage. Besoin de sentir sous les pieds les éclats brûlants du sable, puis, à la lisière de l’eau, la fraîcheur salée. Besoin de tourner le dos à la falaise abrupte, de pierre grise et de verdure. Besoin de noyer les images du village, de ses habitants, dans l’immensité sereine de la mer, le blanc des maisons dans le bleu confondu du ciel et des vagues. Besoin de n’être pas là où on le croyait, où on l’attendait. Où reposait celui qui n’était plus, celui qui ne viendrait plus sur cette plage. Celui qui n’aurait plus jamais besoin de rien ni de personne. Il n’y avait pas de vent. Basilio soupira ; le vent l’aurait aidé à balayer les pensées qui l’accablaient. Qui l’empêchaient d’être corps et âme dans sa contemplation et son oubli, de n’être qu’un regard tourné vers l’horizon. Grandir lui apporterait la maîtrise suprême : celle qui pouvait réduire l’esprit au silence, éteindre ce bavardage incessant de femme inquiète. Du moins l’espérait-il. Le vent, quand il soufflait, n’y parvenait qu’en partie. Des fragments de pensées s’accrochaient toujours, comme des brindilles et des feuilles mortes dans la bourrasque. Le soleil, sur la plage, était contraint de mêler son ardeur à la douceur de la brise, même imperceptible. La langue de sable qui courait, à droite et à gauche, jusqu’à l’infini, semblait une sirène fatiguée venue se reposer ici, contre l’épaule de pierre d’un géant assoupi. Basilio aimait son coin de monde, cette coupure blanche dans la chair marine, cette frontière où, dans son dos, se pressait l’écrasante immobilité de ce qui était, de ce qu’il devait être au regard des autres, et où, face à lui, s’ouvrait l’immensité du rêve. Il eut envie de s’avancer dans les vagues, de se laisser submerger de longues secondes durant, jusqu’à ce que le feu dans ses poumons le contraignît à exploser l’écume. Un jeu qui rendait folle sa mère. Basilio riait sous l’eau à cette simple idée. Mais aujourd’hui, Annunziata avait assez de raisons pour se plaindre. Basilio soupira à nouveau et haussa les épaules. — Tu peux pleurer, tu sais… Valentina avait laissé glisser sa main sur la joue de l’adolescent. Parce qu’elle ne s’offusquait jamais de son silence, elle pouvait tout lui dire, même qu’il avait un visage qui ressemblait, en cet instant, aux pierres de la falaise. Basilio était le seul à deviner le sourire dissimulé derrière la fatigue et la tristesse de la jeune femme dont le corps s’était déjà drapé de noir. Comme presque toutes les femmes du village, du pays. À San Nidro, dans toutes les Pouilles, les femmes étaient des ombres, des doigts de deuil pointés vers le ciel, qui se traînaient sur la terre dans l’attente d’y sombrer. Mais Valentina ne voulait pas sombrer. Et pour se souvenir du bonheur, pour en conserver sinon la saveur, du moins la promesse, elle avait, dans le secret de son cœur, fait de Basilio un phare dans la tempête. Il posa la main sur celle de Valentina, qui refoula un frisson. Ils se fixèrent un moment en silence, sur le seuil de la maison. — Ne les écoute pas : ne sois pas trop courageux. Basilio s’écarta et ferma les yeux au passage de ce corps au parfum d’orange et d’abandon. Valentina se laissa happer par la fournaise blanche du jour. Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • The House of Dancing Water

    The House of Dancing Water Précédent Suivant Ma première collaboration avec Franco Dragone remonte à 2007. C’était sur le projet d’adaptation de la pièce de Shakespeare « Othello », réécrite par Yves Vasseur, et qui a donné le spectacle « Othello passeur » au théâtre du Manège de Mons.L’année suivante, Franco m’engageait comme dramaturge pour son premier grand spectacle en Asie, à Macao : The House of Dancing Water . Une aventure inoubliable… De 2010 à 2019, le spectacle a joué presque sans relâche, dix représentations par semaine dans une salle de 2.000 places à chaque fois remplie. Une histoire simple et sans mots : la rencontre entre l'Orient et l'Occident, à travers une histoire d'amour et de courage qui réunit un aventurier européen, un pêcheur macanais et une princesse sortie du fond des âges et des eaux… Le vrai défi pour l'écrivain : raconter sans utiliser le langage écrit ou parlé…

  • Pourquoi parler d’Auschwitz ?

    > < Pourquoi parler d’Auschwitz ? Essais Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Les Éperonniers 1992 Poche : . . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Deux ans et l'éternité

    > < Deux ans et l'éternité Romans Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Ker 2019 Poche : Mai 2018. Sur une autoroute belge, une course-poursuite s’engage entre un fourgon chargé de migrants et une escouade de policiers. Dans le feu de l’action, un des poursuivants tire sur la camionnette. La balle perce la tôle et provoque la mort d’une fillette, dans les bras de ses parents. C’est l’histoire de Mawda. C’est une histoire d’amour impossible. Une histoire de guerre. Une histoire de souffrance et de contradictions. Une histoire où puiser la force de bâtir un monde plus juste et plus humain. D’abord roman choral à travers les yeux de chacun des acteurs de l’histoire, le livre se poursuit par une contre-enquête journalistique à propos de l’affaire Mawda. Car les faits décrits dans ce livre se sont réellement déroulés, aussi révoltant que cela puisse paraître, en Europe occidentale, au XXIe siècle… Ce récit se fonde sur des événements qui se sont déroulés sur une autoroute belge, la nuit du 16 au 17 mai 2018. Ce que l’on appelle un « fait divers ». Plus précisément, un « fait divers tragique » parce que, sans le tragique, le fait divers n’émeut pas. C’est important, l’émotion. Même si c’est parfois malsain. Obscène. Ça fait vendre, l’émotion. Des journaux, des espaces de publicité pour entrecouper les éditions spéciales. En 2003, après le tsunami en Indonésie, un magazine avait titré en Une : « Une victime sur trois est un enfant. » Et en quatrième de couverture, une pleine page de publicité pour EuroDisney : « Ran, plan, plan, c’est gratuit pour les enfants. » Sans doute la pub était-elle programmée de longue date ; personne en tout cas n’a songé à la retirer. Parce qu’il y a tragédie et tragédie ; celle qui touche des enfants, c’est le nec plus ultra. Il y a une explication scientifique à cela. Neuroscientifique, même : les neurones miroirs, responsables de l’empathie. Voir un enfant, un petit – un chaton, un ourson, peu importe – suffit pour activer chez nous une envie de le protéger. Une émotion face à une détresse, une fragilité. La petite Mawda, c’est d’abord une image : celle d’une petite fille espiègle, souriante, coiffée d’un bob rigolo. Avant elle, il y avait eu une autre photo : celle du petit Aylan, mort, le visage écrasé contre le sable mouillé, sur la plage de Méditerranée où son corps s’était échoué. Deux petits Kurdes dans un monde qui se moque du drame kurde, un monde qui ne lèvera pas le petit doigt, et encore moins une armée, pour aller défendre ce peuple contre la multitude de ses ennemis, lesquels sont tous des alliés potentiels, puissants et redoutés. De l’émotion, donc. Une émotion dont on peut se moquer, se méfier, se défier. Dont on peut aussi attendre qu’elle passe, remplacée par une émotion plus fraîche. Car le tragique est une denrée périssable. Presque autant que ses victimes. Cependant, qu’elle dure ou non, l’émotion dérange aussi ceux qui ont charge du monde et entendent en gérer la marche. Pour bien marcher, le monde ne peut pas pleurer. Pas trop rire non plus. Il doit garder à l’esprit les vraies priorités, sans lesquelles rien ne peut filer droit. Et si le monde ne file pas droit, il file un mauvais coton. Les bourses chutent, les dividendes versés aux actionnaires s’effondrent. L’ordre est menacé. Un monde maladroit, un monde gauche, c’est une calamité absolue. On n’a pas mis l’URSS à genoux pour revivre ça. Alors, l’émotion, attention… Un peu, bien contrôlée, pour distraire. Mais pas plus. Plus ? Comment ? Plus, d’abord, pour exiger la vérité. Pour mobiliser des hommes et des femmes grâce à qui un fait divers singulier devient un combat universel. Quelque chose qu’on ne peut pas classer sans suite, passer par pertes et profits d’une société pour laquelle la balance doit toujours, à l’heure du bilan, pencher du côté des bénéfices. Le drame qui a nourri ce récit est donc irréductiblement singulier : celui de la petite Mawda, âgée de deux ans, fille d’Amden et Phrast Shawri, sœur de Hama. Mais il est aussi emblématique de ce que d’aucuns appellent la « crise des migrants », ou la « crise des réfugiés », et qui n’est au final rien d’autre qu’une crise de l’accueil, la mise à l’épreuve – l’épreuve du réel – de toutes les valeurs que l’Occident défend comme universelles, aussi longtemps qu’elles peuvent agir dans son intérêt. Des valeurs libérales, au sens fort du terme, que les gouvernements libéraux d’aujourd’hui utilisent comme cache-sexe pour mieux les violer. Mawda, Aylan et les milliers d’autres qui ont un tort : vivre dans une région invivable et vouloir se mettre à l’abri, eux et leur famille. L’être humain, comme tous les êtres vivants, obéit à deux principes vitaux : l’instinct de survie et la loi du moindre effort. Dans cette crise mondiale, l’humanité schizophrène s’est scindée : l’instinct de survie pousse les réfugiés et les migrants à fuir ces régions que, directement ou indirectement, l’Occident a rendu invivables, pour des motifs de guerre, de dérèglement climatique, de famine, de chaos politique ; la loi du moindre effort nous conduit à fermer nos frontières et à rejeter la gestion de ces crises, de ces drames et de leurs conséquences sur celles et ceux qui les subissent. Au nom de quoi nous nous sommes arrogé le droit de proclamer que certains humains sont « illégaux », alors que les lois sont des inventions humaines et qu’aucune d’entre elles ne peut se placer au-dessus du principe qui les fonde toutes : l’humanité. « Illégal » est le terme que les fascistes émasculés de nos temps, avides de gouverner le monde, utilisent pour désigner celles et ceux qui, à leurs yeux, sont des « sous-hommes » et, à ce titre, méritent d’être traités comme des choses sans valeur. Ce récit reprend des faits réels, ceux de cette « affaire Mawda », mais librement, puisque la liberté est la première de ces valeurs bafouées, au terme d’une perversion du langage qui réduit les valeurs à des lignes comptables et les dénature en privilèges. Celles et ceux qui parleront ici, quel que soit leur rôle, ne peuvent se confondre avec les personnages de chair plus ou moins vivante et de sang plus ou moins froid qui ont été les acteurs de ce drame. Lequel, au moment d’écrire ces lignes, est loin d’être élucidé. La fiction est une manière de dire le monde, l’espoir et la souffrance. La presse d’investigation en est une autre. À la suite de ce récit, on trouvera le dossier complet de l’enquête réalisée par Michel Bouffioux pour Paris Match Belgique, un travail remarquable de rigueur et de précision, qui a été une source d’information majeure pour ce texte-ci. Il apporte un complément indispensable pour offrir aux lecteurs une compréhension objective et complète de ce qui s’est passé. Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Frédérick Tristan, ou la guérilla de la fiction

    > < Frédérick Tristan, ou la guérilla de la fiction Essais Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Rocher 2000 Poche : Frédérick Tristan occupe une place à part dans le monde des lettres françaises contemporaines. Son oeuvre, qui compte déjà près de quarante titres, constitue un ensemble cohérent d'une rare puissance, par lequel l'auteur met en avant les forces et les faiblesses d'une société qui, depuis plus d'un siècle, essaie de se défaire de Dieu et de s'en remettre à l'homme. Ce chemin, comme le fut jadis, celui des sociétés théocratiques, est ardu, jalonné de crimes. Tristan le relate, par la magie d'une fiction qui se plaît à raconter des histoires pour mieux dire le réel, sans complaisance, mais sans davantage jeter d'anathème. Cet essai met en évidence à la fois l'inscription de Tristan dans une mouvance littéraire exigeante, qui puise autant chez Camus que chez Gary, et son engagement dans un siècle qui a pu, en même temps, contribuer comme aucun autre à la libération mais aussi à l'aliénation, voire à l'anéantissement de l'homme. Résolument humaniste et antifasciste, l'oeuvre de Tristan allie l'humour au "gai savoir", la révolte à l'exigence, pour constituer une nouvelle comédie humaine adaptée à son époque, à ses attentes et à ses angoisses. . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Le Monde d'Asmodée Edern

    Le Monde d'Asmodée Edern < > Asmodée Edern est un de mes plus vieux personnages. Il est apparu dans un roman écrit un peu avant mes 20 ans, en même temps que cet « alter ego » de Baptiste Morgan. Le roman s’intitule Feux d’eau et, je vous rassure, il ne sera pas publié. Deux parties en miroir, une dominée par l’eau, l’autre par le feu. Asmodée est un démon, dans la Bible. Démon de la colère, démon exterminateur… Sa présentation n’en fait pas un personnage sympathique! Moi, je l’ai choisi pour son nom, et j’en ai fait un démon d’un tout autre genre. Éternel, bien sûr, comme l’indique le nom de famille que je lui ai associé. Et je l’ai aussi élu parce que, depuis cette époque, je suis en colère contre Dieu… Asmodée, comme vous le lirez plus bas, est devenu une de mes voix pour exprimer cette colère. Asmodée est présent dans la partie « liquide » du roman ; dans la partie « brûlante », il est remplacé par celui qui allait devenir non pas son double, mais son pseudonyme ou son avatar : Thomas Reguer. « Reguer », celui qui dirige… mais sans jamais rien imposer. Il est revenu ensuite dans une nouvelle, « Des traces de peur », publiée dans le recueil La vie malgré tout . Il s’y retrouve inspecteur de police à la retraite, aidant un jeune collègue décontenancé par la mort singulière de la jeune et jolie Sarah. Et puis, il a resurgi dans Retour à Montechiarro et n’a plus quitté cet univers toscan, pour en devenir le fil rouge. Non pas le démiurge ; Asmodée apparaît dans le destin des êtres qu’il choisit non pour les aider d’un coup de baguette magique, pour leur indiquer que la vie pourrait être différente de ce qu’ils ou elles imaginent. Normalement, il n’intervient qu’une fois : c’est ce que constate avec regret la flûtiste Candice Elenord, lorsqu’elle rencontrera Baptiste Morgan à Venise, en 1980 (dans Les Absentes ). Une exception à cette règle : Alba Malcessati et sa fille Lætitia, pour lesquelles il nourrit une profonde affection. Un jour, je publierai « son » livre, dans lequel il raconte sa genèse et son combat contre Dieu. Je peux cependant vous en confier ici le prologue : Au commencement, était le Mal, est le Mal était avec Dieu et le Mal était Dieu. Plus intime que sa pensée la plus intime, plus lié à Dieu que le souffle ou la puissance, le Mal était en Dieu et a collaboré à toute création. Il a façonné la vie, l’a pétrie de force terrible, il a fait de la vie le reflet des ténèbres où les hommes devraient se débattre pour le plus vif délassement divin. Moi, je peux le dire et le redire, et l’écrire et le hurler aux vents du monde et du néant ! Moi, Asmodée l’éternel enchaîné au désert, calomnié, j’ai dénoncé l’imposture et j’acquitte le prix de cette audace comme le feront tous ceux qui, ici ou là, hier ou demain, dévoileront l’horrible nature de Dieu, quelle que soit l’apparence qu’il a prise pour séduire les hommes. Car les hommes sont fragiles et ont soif de réponses apaisantes, sans regard pour le prix dont ils doivent s’acquitter. Dieu se moule à l’image de leurs peurs et de leurs désirs, et ainsi se les attache. Ils payent de leur liberté et de leur vie, et se font rembourser en monnaie de singe ! Je m’appelle Asmodée, Asmodée Edern, qui jamais n’abandonnera la lutte contre l’Imposteur et pour les hommes, malgré les hommes. Sous l’influence divine, ils m’ont traité de démon – démon de la colère ou de la luxure, toujours une théorie viendra me calomnier et ruiner mon crédit auprès de ceux que j’essaie de sauver. Ils ne veulent pas de la paix parce qu’ils en ont peur, ils fuient le bonheur parce qu’On leur a fait croire qu’il coûtait toujours trop cher. Et quand vient le moment du décompte, le bonheur est enfui et les hommes sont de frêle mémoire, qui ne considèrent que leur malheur présent. Mais je le sais, moi le supposé démon de la colère, qu’au plus profond d’eux sommeille un enfant qui aspire à la joie et qu’ils finissent par tuer ! Je viens en eux, je les secoue, je les bouleverse et c’est pourquoi ils me diabolisent sur les conseils du Grand Anesthésiste. Je les force à rendre gorge de cette meilleure part d’eux-mêmes. Et quand j’y parviens, quand l’être libéré réussit à maintenir ardente cette tension exigeante et magnifique, quand il ne se laisse pas rattraper par les armées insidieuses de Celui qui se veut tout-puissant et unique, alors, dans l’ombre de ce destin qui se découvre et s’assume, je savoure cette victoire et me garde bien d’encore apparaître. Car, contrairement à Lui, j’ai horreur des louanges, des prières, des actions de grâce et des actes de contrition. Je ne donne rien : je donne à être. Et si c’est être démoniaque, vivent les démons ! Le père de Sara, par exemple. Un être peu recommandable, tout entier soumis à ce Dieu exécrable. Par force, il voulut contraindre, par sept fois, sa pauvre fille à des noces auxquelles elle se refusait. Son cœur ne voulait pas s’offrir à un inconnu. Par sept fois, je l’ai délivrée. Infinie fut la rage de Dieu ! Il dépêcha pour me combattre le plus fourbe des anges, Gabriel, qui ferait croire à un âne qu’il est digne de gouverner le monde. Ils choisirent comme instrument le bon Tobie, un gentil garçon sans doute, mais faible et ignorant. Ils lui enseignèrent de vulgaires tours de magie que le simple prit pour la manifestation de la gloire et de la puissance divines. Les lâches connaissent mes faiblesses : je n’ai jamais su frapper un innocent. Tobie n’a eu aucune peine à me circonvenir, et il ignore toujours qu’il ne doit sa victoire qu’à mon refus de vaincre. Ce que l’on a écrit à ce propos, dans ces pages grotesques tissées d’inepties et que les hommes esclaves vénèrent comme la juste parole du Seigneur, me remplit de colère et de dégoût. Jamais ce freluquet d’archange n’aurait pu me soumettre et m’enchaîner ! C’est moi qui suis parti, de mon plein gré, pour le désert, celui de haute-Égypte d’abord – mais pour un temps seulement. J’en voulais à l’homme d’être si dupe, à si bon compte. J’en voulais, c’est vrai, à la belle Sara de trouver un semblant de bonheur aux côtés de ce béni-oui-oui de Tobie. Pendant quelques siècles, j’ai ruminé ma déception plus que ma colère. Sara et Tobie n’étaient plus qu’un peu de cendres mêlées au sable. Pendant tout ce temps, le Mal s’était répandu, Dieu avait étendu son pouvoir et son royaume, prêt à toutes les métamorphoses pour s’adapter aux goûts de ses proies – multiple et bon-vivant pour les Grecs, auxquels Il reprochait toutefois de Le traiter avec légèreté, unique et terrible pour les Juifs dont il adorait la ferveur et la soumission devant ses innombrables caprices. Jamais je n’aurais dû m’absenter aussi longtemps… Je n’étais plus, dans la conscience humaine – un bien grand mot pour une aussi frêle lumière – que le suppôt du mal et de la luxure… « Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence », écrira plus tard un des rares hommes à avoir débusqué aussi impitoyablement la divine imposture, « c’est l’innocence qui est sommé de fournir ses justifications. » Que me restait-il, que pouvais-je encore espérer ? Mais mon opiniâtreté me tient lieu d’une patience que je n’ai pas toujours, et mon impatience s’unit à ma colère pour nourrir ma force et ma volonté. Dieu triomphait, Dieu me croyait à jamais vaincu. Sans doute m’avait-Il oublié. J’allais ressurgir. J’allais, en me servant de cette illusion qu’il avait fait admettre aux hommes comme vérité dévoilée, revenir parmi le siècle et obtenir la plus éclatante des revanches, qui à jamais mettrait un terme à Sa suprématie. Je le réduirais à un article de bazar pour dépressifs impénitents et jouisseurs de l’extatique souffrance ! Je ridiculiserais un à un les lois absurdes et les articles de foi ineptes ! Et je révélerais aux hommes et aux femmes qu’ils n’ont de compte à rendre qu’à eux-mêmes, qu’ils sont seuls responsables de leur bonheur et de leurs malheurs. J’ajouterai bientôt ici des éléments nouveaux, à commencer par la question épineuse : « À quoi peut bien ressembler Asmodée Edern ? »

  • Les Diaboliques

    > < Les Diaboliques Romans Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Ker 2014 Poche : 1855. Allongé dans une sordide mansarde du Marais, Gustave Morgan agonise, dévoré par la vérole et le remords. La confession qu’il livre à son homme de confiance éclaire d’un jour nouveau la vie dissolue qu’il a menée. Croyant soulager sa conscience, il ne sait pas encore que la plus belle ruse du Diable est de vous persuader qu’il n’existe pas. Cette confession n’est que le prélude à une succession de retournements de situations qui enserrent peu à peu Gustave et tous ceux qui lui furent chers dans une logique implacable et terrifiante. ​ (Pour la présentation, voir aussi Les Angéliques .) Ce qu’il y a à dire de ma personne tiendra en peu de lignes ; et si ces quelques renseignements n’étaient pas nécessaires à la bonne compréhension du récit qui suivra, je m’en serais abstenu avec plaisir, tant il est vrai que j’exècre me mettre au premier plan. L’abbé Ducret aurait peut-être évoqué ma « remarquable modestie naturelle » qui, selon lui, déterminait mon caractère. Mais outre que la modestie est une qualité qui se dissout sitôt qu’on se l’adjuge, je pense qu’il s’agit davantage, dans mon cas, d’un besoin inné de demeurer dans l’ombre. Il ne faut voir là qu’un souci fort commun de sérénité. Sans doute l’abbé y verrait-il encore un effet de cette vertu, ce dont je me garderai bien toutefois. J’ai grandi dans un village de la Brie. Mes parents étaient propriétaires d’une des principales exploitations agricoles de la région. J’eus une enfance paisible et reçus une bonne instruction. Mes frères aînés, au nombre de trois, étaient plus attirés par les travaux des champs ; j’avais pour ma part l’âme plus sensible aux arts et aux choses de l’esprit. Trois garçons suffisaient à assurer l’avenir du domaine ; la porte d’une autre carrière s’ouvrait donc pour moi. Pour ses affaires, mon père recevait souvent la visite de M. Francis, négociant en viande installé dans le village voisin qui fournissait les halles de Paris des meilleures viandes, dont la plupart provenaient de nos troupeaux. L’entente entre les deux hommes était à la mesure des bénéfices que leur relation commerciale générait : excellente. Mais ce n’était pas pour cette raison que j’appréciais les visites de M. Francis ; il avait coutume, du moins les jours où il n’y avait pas école, de venir accompagné par sa fille Lucie. Elle avait mon âge et nous étions amis depuis la plus petite enfance. Avec le temps, cette amitié se mua en un sentiment plus sérieux, même s’il est réputé causer des troubles chez ceux qui en sont atteints. Lucie était enfant unique. Dans le village, on colportait la rumeur que Mme Francis ne pouvait plus engendrer. Lucie n’était point disposée comme moi pour l’école ; mais elle avait de l’esprit et une imagination très vive. Elle aimait aussi nos conversations où je tentais de lui communiquer – et souvent avec succès tant il est vrai que l’amour rend pédagogue – mes passions et mes découvertes. De son côté, elle m’éblouissait par les jeux infinis qu’elle inventait sans relâche, quand elle ne s’amusait pas à m’emmener dans les entrepôts paternels où, aussi à l’aise qu’un boucher et malgré une taille frêle et des bras fluets, elle tranchait, découpait et débitait les carcasses en riant de mon air effaré. Nous cœurs étaient, à l’évidence, destinés l’un pour l’autre ; et si mes frères en avaient parfois ri, tous se convainquirent qu’une union serait, pour les deux familles et leurs entreprises respectives, une heureuse perspective. On pourrait croire, en me lisant, que tout le pays était au courant de notre idylle. C’était sans compter sur la discrétion naturelle des acteurs de ce jeu. Les projets économiques de nos parents nécessitaient le secret. Quant à Lucie et moi, peu sensibles à cette dimension des choses, nous n’avions nulle envie de porter sur la place publique ce qui, en outre, participait des certitudes enfantines que l’on découvre en tremblant au fil de l’adolescence. L’âge adulte approchait, pareil à la terre promise se dessinant à l’horizon du regard de Moïse. Quoique toujours discrets, nous nous montrâmes davantage. Nous allions l’un et l’autre fêter nos dix-huit ans, en cet été 184*, lorsque l’abbé Ducret nous convoqua tous les deux dans la cure. Nous nous rendîmes au rendez-vous, intrigués mais sans inquiétude ; nous avions l’un et l’autre l’âme aussi pure et sereine que des nouveau-nés. Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Un jour, ce sera l'aube

    > < Un jour, ce sera l'aube Romans Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : L'instant même Les 400 coups 1995 2005 Poche : Ce roman occupe une place très particulière dans mon histoire d’écrivain. J’en parle brièvement dans «Requiescat Mater», la nouvelle que je consacre à la mort de ma mère dans La vie, malgré tout : Je n’osais plus te montrer ce que j’écrivais. Trop intime. J’y vivais trop souvent ta mort. Alors, j’avais écrit une histoire, pour toi, une histoire d’aube lointaine et promise. Étrangère à nous, pensais-je. Je l’ai relue. Je n’y parle que de toi. « Je mourrai de ma peur de mourir », y disait un vieux prêtre. Et dans la marge, tu fis un trait, ou tu soulignas le texte. Mais tu ne dis jamais ta peur, sauf quelques rares fois, quand ta force se souvenait faiblesse. Jamais un mot. Frustrer la mort, se moquer d’elle. Un roman différent de tout ce que j’écrivais alors, marqué que j’étais par une littérature intellectuelle et postmoderne, telle que la pratique Sollers. Un «vrai» roman, qui raconterait une histoire. Ce fut celle d’Alessandro, ce musicien d’un siècle non précisé, dans une ville qui ressemble à Venise sans que celle-ci soit jamais nommée. L’apparition aussi de Baldassare, qui allait revenir dans Retour à Montechiarro . Une histoire que je réécrirai plus tard, dans Requiem vénitien . Lent mouvement de la botte qui se balançait et donnait à l’eau le rythme las d’une agitation refusée. Le pantalon de velours noir, sans mode, accaparait le peu de vent qui passait, les soupirs qu’exhalait le canal. Sur les genoux, deux coudes ; au bout d’un buste qui se penchait sans force, la tête d’un homme — ni triste ni gaie — appuyée sur deux mains vaincues. L’indifférence du monde qui l’entourait l’avait sereinement envahi ; il y avait longtemps que son dernier désir avait, dans l’eau glacée, creusé son trou minuscule, aussitôt dissipé. Plus loin, sur le même quai, un chat inclinait la tête, yeux mi-clos. Il observait l’homme assis au bord de l’eau. Il le connaissait ; ce n’était pas la première fois qu’Alessandro venait ici pour reposer ses idées. Mais l’homme, aujourd’hui, ne lui faisait aucun signe, et ne semblait pas vouloir le caresser. Le chat cessa brusquement de s’y intéresser, et s’occupa de sa toilette. Une barque surgissait de l’aube et glissait devant le quai, dans le jour balbutiant, empâté de brume. Le marinier, à la poupe, pouvait dormir encore ; à peine une chevelure qui perçait un amoncellement de laine. Sans un geste à Alessandro, il disparut dans un matin sans teinte, qui refusait d’ouvrir la nuit au jour. Pour Alessandro, ce n’était plus que la mort d’une nuit blanche comme ce matin, blanc sali d’une brume épaisse infiltrée jusqu’en son esprit. Il se leva ; le chat dressa les oreilles, les yeux. Il partit par une ruelle, l’animal par une autre, vers une journée nouvelle sans plus de grâce que la veille. Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Shema Adonaï

    > < Shema Adonaï Poésie Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Edern 2021 Poche : Shema Adonai : depuis toujours, on demande à Israël d’écouter la voix de Dieu ; mais après Auschwitz, le temps est venu qu’Adonai se mette à l’écoute de l’homme et de son chant. Et pour ce faire, qu’Il se taise. Chant et poésie, clameur et souffrance, murmure et espoir – malgré tout. Car telle est la force du chant et des mots : leur impuissance même ne peut qu’ouvrir à l’espoir et à la vie. L’histoire du peuple juif ne peut se limiter à la souffrance : il faut être animé d’une soif et d’une joie de vivre exceptionnelles pour traverser ces épreuves et continuer à proclamer sa foi dans la vie. J'ai écrit ce livret en 1985 ; Gaston Compère, écrivain et compositeur, en a composé la musique. Et puis, il a fallu attendre presque trente ans pour que cette œuvre soit créée, grâce à l’ami commun, Jean-Paul Dessy. Lachaïm ! Vidéos Pourquoi parler d'Auschwitz _ (Vincent Engel) .pdf Download PDF • 6.91MB En 1982, je commence mes études en philologie romane et, rapidement, je décide de travailler sur l’œuvre romanesque d’Elie Wiesel. Pourquoi ? C’est mon père qui m’a donné un de ses livres ; et alors que je m’empresse de ne pas lire ce que mon père me conseille, ce livre-là m’attire. Paroles d’étranger. J’ai peut-être cru qu’il y avait un lien avec Camus… Toujours est-il que je suis aujourd’hui convaincu que mon père a utilisé Wiesel pour me dire ce qu’il ne pouvait dire directement. Je connaissais évidemment son histoire et celle de sa famille, disparue dans les camps nazis. Mais mon père était athée et silencieux… Ses enfants n’étaient pas juifs, au sens religieux du terme ; mais souvent, il nous répétait : « N’oublie pas que tu es juif… » Sans que ce mot veuille dire souvent autre chose que : « Tu dois être moralement irréprochable… » ​ J’ai consacré une part importante de ma carrière – recherche et écriture – à la question de la Shoah, de la mémoire, de la transmission. De Oubliez Adam Weinberger à mon essai sur Le désir de mémoire , ces questions traversent presque tout ce que j’ai écrit. Cet oratorio, dont je désespérais de voir un jour la création, représente mon état d’esprit en 1985, à vingt-deux ans. Ma colère contre Dieu, en qui je croyais encore un peu. S’il est sûr que je ne l’écrirai plus de cette manière aujourd’hui, je n’en renie pas une ligne. Il est mêlé d’extraits de la Bible, et l’on voit qu’il ne manque pas de passages où l’homme interpelle son créateur et lui demande des comptes. Alors qu’une des prières importantes du judaïsme commence par ces mots : « Shema Israel », « Écoute Israël », je me suis dit qu’il était temps que Dieu se taise et écoute sa création. L’Oratorio est divisé en 5 parties, en plus de l’ouverture composée par Gaston Compère, dont les titres mêlent la tradition juive et la tradition chrétienne (le genre de l’oratorio étant par ailleurs tout à fait inscrit dans la seconde): L’Exode et Shema explorent la tradition, l’histoire du peuple juif et ce qu’il a enduré depuis l’antiquité ; Laudamus Te et Recordare jouent sur des références à la musique religieuse chrétienne, en particulier le Requiem, et avancent dans la confrontation avec Dieu. La dernière partie, Images , rompt avec les références bibliques pour plonger dans ce que l’on a appelé les Rouleaux sacrés d’Auschwitz , ces notes prises par des membres des Sonderkommandos, enfouies dans la terre des camps, près des fours crématoires. ​ J’ai dû rencontrer Gaston Compère au début des années 1990. C’était un des écrivains majeurs de nos lettres, prolixe, touche-à-tout. Il avait donné un texte pour le recueil de L’Année Nouvelle et je lui avais rendu visite à Forest, dans son appartement proche de Forest National. J’adorais Gaston mais j’étais terriblement intimidé par son silence… Il était capable, lorsque vous étiez face à lui, de rester muet pendant des minutes qui paraissaient des siècles ! Mais il était un homme merveilleux et terriblement talentueux. En plus de la littérature, il composait de la musique. Pas de la musique facile ; inscrite dans son époque, c’est une musique exigeante, porteuse de toutes les révolutions et remises en question, à commencer par celles que, justement, la Shoah a imposées à la culture occidentale. Il s’est plongé dans l’écriture de cet oratorio, après avoir consacré beaucoup de temps à son quatuor (qui a donné également le Journal du Quatuor , publié en son temps par Lysiane d'Hayère). ​ Je ne suis pas capable de lire une partition. Pendant des années, je me suis retrouvé avec une partition illisible donc, semblable, à sa manière, aux dernières paroles de ma mère, sur son lit de mort ; elle m’avait parlé pendant une vingtaine de minutes, et je n’avais pas compris le moindre mot… Mais la musique a des grâces que la maladie n’a pas. Après avoir présenté la partition à des directeurs – qui tous avaient refusé, prétextant une musique trop difficile pour les interprètes –, je m’étais dit que cela ne se ferait jamais. Comme les paroles de Maman, la musique de Gaston me resterait à jamais « inouïe », au sens premier du terme. Mais si je ne suis pas patient, je suis têtu. Il y a quelques années, j’ai renoué avec Jean-Paul Dessy, je ne sais plus exactement à quelle occasion. Jean-Paul était un ami de Gaston, bien plus proche que moi d’ailleurs. Dirigeant Musiques Nouvelles et ce lieu sublime d’Arsonic à Mons, il m’a proposé de créer l’œuvre. Et il a trouvé des interprètes qui ont réussi ce que d’autres pensaient impossible. Je suis sûr que Gaston aurait adoré cette équipe. Disparu en 2008, il n’aura entendu cette musique que dans sa tête. Je ne sais pas où il se trouve aujourd’hui. Si d’aventure toute cette fable divine était vraie, j’espère qu’il prendra Dieu par le col, le forcera à s’asseoir et lui dira : « Maintenant, écoute… » Et qu’après la dernière note de Shema Adonaï , il laissera s’éterniser le silence, qui sera encore du Compère… Extrait de « Exode » Exil de souffrances ; pourquoi a-t-il fallu marquer par le sang les prémisses de l’Exode ? Ta main aveuglait Pharaon et, à son tour, son peuple souffrait. Combien de temps Ton propre cœur n’est-il pas resté endurci ? Est-ce cela, Ta justice : l’égalité dans la souffrance ? Quel choix laissais-Tu à l’homme, Moïse ou Pharaon ? Obéir ou souffrir ; n’est-il que ces deux manières de Te louer ? Exil bâti sur des cadavres sans choix ; n’as-Tu jamais cessé de Te jouer de Ta créature ? Extrait de « Shema » Écoute, Seigneur, tais-Toi, un instant cesse d’ordonner. Cesse de fuir le silence de fuir l’homme de fuir Ton reflet. Écoute, Seigneur, si Ta création est multiple chaque homme est unique et chaque mort, inique. Écoute, Seigneur, dût ce cette écoute mettre un terme à Ton éternité. Écoute-nous enfin ou laisse-nous enfin. Extrait de « Images » Mémoire de cette nuit là-bas nuit où je n’étais pas mais où souvent il me semblait être perdu. Je vois Isaac au loin qui rit encore qui rit de son nom de lui de nous. Absurdité folie. Éternellement. On dit l’Apocalypse est devant plus tard très tard jamais. Après nous. Mais en vérité pour nous l’Apocalypse a débuté et nos paroles tardives parlent d’un silence incompréhensible. Silence du monde complice Silence de Dieu complice ? Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Oubliez Adam Weinberger

    > < Oubliez Adam Weinberger Romans Infos Sous le nom de : ​ 2002 2020 Le livre de Poche Mijade Édition : Fayard L’instant même 2000 2000 Poche : Avant, c’est la longue enfance d’Adam Weinberger dans un monde qui ne devine pas encore la menace qui pèse sur lui. L’enfance d’un amoureux des illusions, qui rêve de changer le monde et de libérer ses proches du poids d’une Tradition qu’il juge insupportable. L’adolescence d’un jeune garçon qui ne sait comment traduire son amour pour Esther, son admiration pour son oncle, sa tendresse pour sa mère. L’impuissance d’un jeune homme qui constate que le rêve et la fiction ne peuvent enrayer la destruction de ce monde et de ses habitants. Après, ce sont des fragments de récits, le miroir brisé où se reflète, par des intermédiaires plus ou moins attentionnés, la fuite de cet enfant devenu homme, qui ne croit plus au rêve, qui ne croit plus aux mots. Qui s’est réfugié dans les gestes – ceux de son métier, la médecine, ceux de son ultime passion, la construction de bateaux en bouteilles. Et qui fuit les mots et les êtres jusqu’à la perte de son identité. Entre les deux, il y a là-bas, dont on ne parle pas. Et puis, à la fin, après l’oubli, au terme de toutes les fuites, il y a l’enfance qui revient par-delà la mort, et l’unique vérité d’une fiction – d’un récit de vie. Jadis, je fus un enfant. Je le crois du moins, ce qui en soi n’est pas si mal, puisque le passé, quoi qu’en pensent certains, est de toute façon incontrôlable. Je portais déjà le même nom et sur mon visage devaient sans doute sourdre ces traits sans grâce qui composèrent ensuite ma physionomie d’adulte, et qui se décomposent aujourd’hui. Ce nom, je le partageais bon gré mal gré avec les êtres qui formaient l’entité plus ou moins large et diversement appréciée d’une famille. Près de moi, il y avait ma sœur Rachel, de sept ans plus âgée que moi et qui, dès que j’eus l’âge de comprendre et de retenir ce qui se passait et se disait autour de moi, m’a toujours semblé préoccupée par la quête d’un mari – avant de le rencontrer, parce qu’elle craignait de n’en jamais trouver ; ensuite, quand il se perdait dans les bistrots de la ville, parfois plusieurs jours durant. Rachel… tu n’étais pas superbe, mais enfin, tu étais ma sœur et j’aurais souhaité avoir un autre beau-frère que ce fainéant de Moïshe – regrets tardifs, tu m’excuseras. J’ai pourtant fait ce que j’ai pu… Outre Rachel et moi-même, la famille Weinberger disposait encore de deux héritiers mâles. Je n’ai jamais rien eu à dire à Samuel, de cinq ans mon aîné : il était corps et âme – surtout de corps – dévoué au sport. Quand il ne faisait pas du kayak sur la rivière, il courait, il luttait, enfin n’importe quoi pour transpirer et pouvoir m’imposer sa tyrannie. Les seuls mots que je lui adressais, au grand désespoir de nos parents, étaient des suppliques quand il me tenait entre ses mains de brute, et des injures quand je m’estimais à l’abri – souvent suivies à leur tour de suppliques par suite d’une mauvaise estimation des distances. Avner, lui, c’était tout différent. Malgré ses dix ans d’avance, il me traitait avec gentillesse, du moins quand il remarquait ma présence : c’était « notre » rabbin qui, pour ce faire, passait ses journées plongé dans les livres ou les prières. Quoique plus jeune, Samuel l’avait vite dépassé en taille – horizontale et verticale –, mais il n’osa jamais porter la main sur lui. À chacun ses privilèges : Samuel ne frappait pas Avner, mais ce dernier lui adressait encore moins la parole qu’à moi. J’avais donc, pour m’entourer d’affection, un frère qui, le regard perdu dans ses visions, me donnait de saines leçons, un autre qui me persécutait pour mon salut physique, et une sœur qui me consolait ou me soignait en pleurnichant après son mari hypothétique ou fantomatique, selon la période. Et, bien sûr, pour gouverner et couronner le tout, il y avait ce couple indissoluble que formaient nos parents, Sarah et Avram Weinberger – indissoluble parce que le temps n’a pas son pareil pour entortiller les nœuds. Comme l’indique notre patronyme, le père de mon père avait été négociant en vins hongrois, et ses pères avant lui. Mais le mien avait rompu avec cette tradition parce qu’un de ses frères suffisait pour la maintenir et que personne n’était là pour reprendre le commerce de bois de son beau-père. Avram Weinberger était un commerçant assez heureux, mais un père inquiet. Il savait que son aîné ne reprendrait pas les affaires, mais il ne pouvait s’en plaindre, puisque c’était pour l’Éternel, béni soit Son Nom, et qu’un rabbin dans la famille, ça ne se refusait pas. Mais il doutait de l’avenir de Samuel. Costaud et franc plus que de raison – je puis en témoigner pour avoir fait les frais de cette solide franchise plus qu’à mon tour –, par quelle aventure n’allait-il pas être tenté ? Mon père redoutait par-dessus tout que Samuel n’allât fréquenter les jeunes sionistes, car il n’avait que trop le physique et la mentalité de l’emploi. Quant à moi… mais n’anticipons pas sur les souffrances paternelles. À ce point du récit, il me faut, par respect des règles du genre, évoquer l’autre pôle du couple parental. Ma mère. Elle était… que voulez-vous que je dise, sinon qu’elle était ma mère, et tout ce qui s’ensuit ? Belle, bien sûr. Elle s’occupait du ménage, de ses enfants. Elle se dépensait toute la semaine, et plus encore le vendredi, pour préparer notre jour de repos, le Shabbat. Je la voyais souvent s’affairer tant que j’ai très tôt douté de la véritable sainteté de ce jour-là. Il y a quelque chose de pourri dans le royaume terrestre, qui contredit la lettre même des Commandements et en interdit la parfaite observance, à moins que l’argent s’en mêle, ce qui n’est pas des plus orthodoxe. Car si le chiffre d’affaires de mon père suffisait à entretenir une femme et quatre enfants – dont un sportif –, il ne lui permettait pas d’engager une aide pour sa femme. Mes parents auraient dû avoir un enfant de moins, et comme j’étais le cadet, je préférais ne pas envisager cette variante. Rachel aidait ma mère, mais elle soupirait sans cesse et n’était pas d’une efficacité remarquable. Quant à moi, j’essayais parfois, mais, au-dessus des Commandements, il y a la Tradition et j’étais un homme. Au demeurant, à cet âge qui dure parfois longtemps, on n’a pas encore trop de scrupules envers autrui, et ce n’est que plus tard qu’on attrape des remords. Prix littéraires Prix des Lycéens, 2000. Prix Sander Pierron, 2000. Dossier de Presse DP_OUBLIEZ_CPLT .pdf Download PDF • 15.63MB Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Théâtre complet, 1994-2004

    > < Théâtre complet, 1994-2004 Théâtre Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Edern Ker 2007 2013 Poche : . . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Au nom du père, de Dieu et d’Auschwitz ; regards littéraires sur des questions contemporaines au travers de l’œuvre d’Élie Wiesel

    > < Au nom du père, de Dieu et d’Auschwitz ; regards littéraires sur des questions contemporaines au travers de l’œuvre d’Élie Wiesel Essais Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Peter Lang 1997 Poche : La question du père et de Dieu telle qu'elle se pose après la guerre et les camps nazis est approchée, dans la présente étude, à partir d'un corpus littéraire privilégié: celui d'Elie Wiesel, auteur francophone, juif et prix Nobel de la paix. Dans un premier temps, cette monographie aborde la question du père, de Dieu et de la Shoah dans une perspective philosophique et psychanalytique. Davantage qu'une question du père, on découvre qu'il s'agit d'une question au père ; ce dernier est le lieu du questionnement, où chacun, fils face au père, homme face à Dieu, projette l'angoisse inhérente à sa condition. Toutes les sciences humaines ne sont dès lors qu'une façon d'appréhender cette angoisse, et la littérature est le lieu où certains auteurs développent les questions multiples qui l'accompagnent. Dans la deuxième partie, ce travail se plonge dans l'oeuvre romanesque d'Elie Wiesel dont ce triple questionnement - Dieu, père et Shoah - est le fondement. . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • L'art de la fuite

    > < L'art de la fuite Romans Infos Sous le nom de : Baptiste Morgan - ​ Édition : L'instant même 2005 Poche : Il comprend la lassitude des victimes. Le franchissement d’une ligne invisible, qu’on ne découvre que lorsqu’on l’a dépassée. Offrir son cou au bourreau, au bienfaiteur, à l’oubli. Car à quoi sert de se souvenir de Lætitia ? Le temps des magiciens est révolu, celui de l’illusion aussi, depuis que l’enfance s’est envolée. ​ Bach, un inspecteur de police d’expérience, doit enquêter sur une série de meurtres étranges. Un écrivain raté, une vieille femme malade, un idéaliste désillusionné : l’assassin semble libérer ses victimes d’une existence pathétique. Tous les soirs, Bach retrouve un ami d’enfance, Boussy, avec qui il partage ses déboires. Peu à peu, le fantôme de Lætitia, aimée follement il y a longtemps, revient ébranler leur amitié et brouiller le présent. À l’enquête qui progresse se superposent les blessures d’autrefois, vives comme si c’était hier, et les questions, trop nombreuses pour être sans importance… ​ *** ​ L’art de la fuite est le troisième roman signé « Baptiste Morgan ». Il aurait dû paraître en 2004 chez Fayard ; mais la dégradation de nos relations m’a conduit à quitter Fayard, et le livre n’est sorti qu’au Québec, en 2005, chez mes amis de l’Instant même, Gilles et Marie Pellerin-Taillon. Comme son titre le laisse deviner, il est construit sur L’art de la fugue de Bach, et plus précisément le dernier contrepoint, inachevé, dernières lignes de musique composée par Jean-Sébastien Bach, et qui se terminent sur quatre notes qui signent son nom : B-A-C-H (si bémol, la, do, si bécarre). ​ Comme dans un contrepoint, les chapitres alternent deux modes narratifs : l’enquête – sur le mode du théâtre, dialogues et didascalies –, puis des nouvelles qui se centrent sur les victimes. La motivation du tueur (ou de la tueuse) pourrait se lire entre les lignes de l’exergue, reprise à Camus (évidemment) : « Les hommes aussi sécrètent de l’inhumain. Dans certaines heures de lucidité, l’aspect mécanique de leurs gestes, leur pantomime privée de sens rend stupide tout ce qui les entoure. Un homme parle au téléphone derrière une cloison vitrée ; on ne l’entend pas, mais on voit sa mimique sans portée : on se demande pourquoi il vit. » ​ J’ai bien entendu écouté L’Art de la fugue pendant l’écriture. Et je n’oublierai jamais le dernier jour : j’ai commencé vers 9 ou 10 heures pour finir à 22 heures, cinquante pages en écoutant en boucle le dernier contrepoint interrompu, 6 minutes de musique répétée pendant une douzaine d’heures… Je n’ai jamais pris de drogue dans ma vie, mais je crois qu’aucune ne m’aurait procuré les sensations éprouvées durant cette journée magique. J’ai récupéré les droits de mes titres auprès de L’Instant même, qui n’a jamais pu distribuer ce titre en Europe. Il n’y a que 30 exemplaires disponibles… Contrapunctus 1 Si cette place est libre ? Oui… parfaitement libre. Il n’y a pas qu’elle… Non, rien : je disais qu’elle n’était pas la seule à être libre. Il faudrait plutôt dire : vide. Oui, vous pouvez vous y asseoir. Vous ne me dérangez pas. Je peux même m’en aller, si vous souhaitez être seul – bien que je ne considère pas être une compagnie digne de ce nom. Ni de celui-là ni d’un autre, d’ailleurs. Pourquoi je dis ça ? Parce que… c’est mon droit, non ? Qui êtes-vous ? Un assistant social, un psychologue en quête de clients ou de spécimens rares ? Si c’est le cas, je m’en vais pour de bon, je ne veux pas… Bon, je vous crois, si vous le dites. De toute façon, cela n’a aucune importance. Vous m’avez aperçu au travers de la vitre de ce café, alors que vous passiez sur le trottoir, et je vous ai rappelé quelqu’un que vous connaissiez… Si ça vous chante… Je vous préviens néanmoins que je ne connais personne et que personne ne me connaît. Non, je ne me vante pas. Je constate, rien de plus. Vide. Libre. Vous croyez que ce n’est pas possible ? Parce qu’à présent vous me connaissez même s’il est vrai que vous m’avez confondu avec un autre ? Vous êtes malin, monsieur… Vicieux, non ? Un peu… L’enfer c’est les autres, comme disait l’abruti. Alors qu’il ne pouvait s’en passer, des autres, et que sans eux il n’aurait pas valu tripette, ce planqué. Comme moi, au demeurant. Que dites-vous ? Non, vous vous trompez. Personne ne me connaît ici. Je ne viens pas souvent et je ne parle que pour passer ma commande. Une bière ? Oui, je veux bien… Une Chimay. Une trappiste. À boire et à manger. À dormir, aussi. Des gens qui s’y connaissent en solitude, les moines ; ils ont même inventé Dieu. Moi, je préfère leur bière, mais à chacun sa chapelle, il en faut pour tous les goûts, pour tous les paradis. Tous les enfers. Quelle importance… On se trompe tous. Eux, moi. Vous, ne vous en déplaise. Nous ne nous connaissons pas. Pas plus hier que demain. Si vous ne m’aviez pas offert cette trappiste, je vous aurais déjà oublié. Parti. Pfuit ! Non, je ne suis pas alcoolique. Vous ne me croirez peut-être pas, mais c’est ma première bière de la journée. Non, n’essayez pas de me piéger ; ma première boisson alcoolisée. Avant : café. La tasse est encore là, tenez. Je ne bois pas, je n’ai rien à oublier. Rien à noyer. Libre et vide, je vous dis. C’est ça, à votre santé. Ah merde ! Ils la servent froide, ces ignares ! Ça tue les saveurs… Quoi ? Qu’est-ce qui vous étonne ? Que je me formalise pour si peu alors que… Alors que quoi ? Non, ne dites rien, je lis dans votre regard. Presque du mépris, ou pire : de la compassion. Allez, ne perdez pas votre temps. Je n’ai besoin ni de l’un ni de l’autre. Quand je suis en forme, je me méprise suffisamment tout seul. Quant à la compassion… je ne sais pas si c’est l’un ou l’autre de ces nobles sentiments qui me tient debout. Sans doute n’est-ce que l’habitude. Une mauvaise habitude. Un tic. Ma vie est une sale manie… Il ne fallait pas embêter le serveur. Froide ou tempérée, peu importe. Je vais partir. Je parle trop. Je gaspille votre temps que je devine précieux. Si je le pouvais, je vous offrirais volontiers le mien, le présent, le passé et surtout celui qui reste. Comment ça, je prends des poses ? Je vous la joue blasé, désespéré spleenesque, romantico-kafkaïen ? Vous ne manquez pas d’air, vous ! Ça vous prend souvent d’accoster des inconnus qui ne vous ont rien fait pour jouer au psychanalyste de supermarché et pour les injurier ? Mais oui, je réagis ! Quoi ? C’est déjà ça ? Ah ah ! J’ai compris, vous êtes un disciple de l’abbé Pierre ! Ramener les brebis égarées dans le droit chemin de la compassion humanitaro-médiatique ! Mais vous perdez votre temps avec moi ; pour m’y ramener, dans le droit chemin, il faudrait que je l’aie déjà emprunté, ne serait-ce que pour quelques pas. Et je peux vous assurer que je me suis trompé depuis le départ, dès le premier carrefour. Dès ma naissance. Je suis une caricature ? De quoi ? De vous-même, sans doute… Bon, la caricature vous dit adieu, monsieur. Et merci pour la bière. ​ […] ​ Contrapunctus 2 Une rue anodine. Plan général. Au loin, un attroupement devant un magasin qu’on devine être une pâtisserie-boulangerie. Quelques policiers écartent les badauds, des ambulanciers attendent en plaisantant à côté de leur véhicule. Deux personnes dont on ne distingue pas les traits sont penchées vers une masse étendue par terre. Par habitude de ce genre de scène, on devine deux policiers – un debout, l’autre accroupi – devant un cadavre. C’est idiot, les habitudes, mais c’est comme ça. Et puis, elles ont souvent raison. Il faut le reconnaître. Travelling avant. Ce sont bien deux inspecteurs vivants et une personne morte, dont on ignore encore tout. Il en va de même pour les inspecteurs et sans doute est-il déjà hâtif de conclure qu’ils ont tous les deux ce grade. Le plus petit, celui qui n’était que penché, se relève, l’air visiblement indifférent. Son collègue – ou son supérieur – reste accroupi. Il prend la main gauche du cadavre, l’élève jusqu’à la hauteur de son propre visage, demeure ainsi quelques secondes puis la laisse retomber sur le sol avec une ébauche de soupir. ​ LE POLICIER DEBOUT : Faut pas serrer la main des macchabées, déclame le policier debout ; on pourrait vous accuser de corruption. Et puis, c’est pas pour dire, il n’a pas l’air d’apprécier vos gestes d’amitié… Pas encore rigide, mais déjà froid. Faudra demander au légiste d’analyser ces sautes d’humeur. LE POLICIER ACCROUPI : Ta gueule, Fred. FRED : Quoi, ma gueule ? Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Viva !

    Viva ! Précédent Suivant Venise, 1740. À peine remis de l’échec de son dernier opéra, don Antonio est contraint à un nouveau succès s’il ne veut pas être cloîtré à la Pietà, l’établissement pour jeunes orphelines où il enseigne la musique. D’autant que l’on prétend que sa musique est vieille, sans parler des rumeurs qui bruissent sur les mœurs du vieux prêtre. Son ami l’ambassadeur d’Espagne lui présente alors Lorenzo, qui écrira un livret à la hauteur du défi. Défi multiple, car il s’agira aussi pour le compositeur de sauver certaines de ses élèves les plus douées et les plus jolies. Se mettent alors en mouvement des rouages qui pourraient broyer à jamais le destin du prêtre roux. Ou le conduire à la gloire, une ultime fois… Ce que l’on sait de la vie de Vivaldi tient en quelques anecdotes, et tout le monde ignore les raisons pour lesquelles il a quitté Venise pour Vienne, où il mourra. J’ai puisé les confidences du plus célèbre des compositeurs vénitiens dans sa musique ; c’est elle qui m’a dicté les pensées et les gestes de cet amoureux de la vie. ​ J’ai réfléchi et travaillé à ce roman (et à la pièce qui l’accompagne, créée en novembre 2017 par Pietro Pizzuti) depuis plus de 25 ans. Il est une étape importante dans ma recherche d’une écriture musicale (ce qui ne se limite pas à parler de musique ou de musicien) et dans mes projets théâtraux. Il porte aussi la trace de mon travail avec Franco Dragone, pour qui j’ai appris à condenser toujours davantage l’expression, pour arriver à en dire le maximum avec le minimum. Dans Alma Viva , nous ne sommes pas dans une Venise conforme aux clichés touristiques ; comment aurais-je pu décrire cette ville-là, que Vivaldi n’a pas connue vraiment, puisqu’il était agoraphobe et ne voyageait que dans une voiture aux rideaux fermés ? C’est une Venise intime, taquine, cruelle aussi. Celle que j’aime passionnément depuis 1983 et où, sans doute, j’irai m’installer un jour. Interprété par Pietro Pizzuti, mise en scène de Gabriel Alloing Pour la musique, sur scène : Les Muffatti Chant : Sarah Thery et Julia Szproch. ​ Le spectacle a été créé en novembre 2017 au Théâtre Jean Vilar (Louvain-la-Neuve).

  • Pygmald Sympholien

    > < Pygmald Sympholien Théâtre Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Edern Ker 2006 2013 Poche : Pygmald, qui tient de Meursault et de Woody Allen, a un chat dans la tête. Les docteurs Casimir et Rosenfeldt s’occupent de le soigner, aussi longtemps qu’il a de l’argent pour les payer. Napoléon, le chat, devient son meilleur ami, son double, son frère. On passe de Molière à Camus, du comique au morbide, de l’aliénation à la liberté. . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • L'année Nouvelle

    > < L'année Nouvelle Nouvelles Infos Sous le nom de : ​ ​ ​ Édition : L'instant même 1994 Poche : Prix littéraires Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Maramisa

    > < Maramisa Romans Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Les Escales 2018 Poche : Hermann Kopf est un milliardaire mystérieux obnubilé par une double quête : l’immortalité et Maramisa. Il est convaincu que la seconde lui donnera la clé de la première, pour autant qu’il puisse retrouver le site de la cité disparue et l’y reconstruire. Assisté par le non moins énigmatique Fabrice, homme à tout faire taiseux et efficace, il engage Charles Vinel, un jeune universitaire, chargé de cours en archéologie et, à ses heures, écrivain. Pourquoi Vinel ? Parce que, dans sa thèse sur les techniques de momification, il a inséré un appel de note qui a retenu l’attention du magnat : « La sépulture est le premier indice de l’humanité, et elle est à la fois le signe d’un récit — sur la mort, ce qui la précède et surtout ce qui la prolonge — et un récit à part entière, qui raconte aux générations futures beaucoup de choses. Beaucoup d’histoires… Peut-être d’ailleurs la première histoire est-elle née au-dessus de la première tombe. Ou du premier berceau ? Non, d’abord, la tombe. Et puis le berceau ; car nous naissons tous entourés des récits, parfois silencieux, du destin de ceux qui nous ont précédés. » Charles Vinel est un jeune homme à la fois ambitieux et soumis. Manipulé par Kopf, il se laisse prendre par la magie de Maramisa jusqu’à s’y laisser engloutir. Ses recherches permettront de découvrir le site originaire, quelque part en Asie centrale. Il y vivra quelques mois dans la plus absolue des solitudes, ensorcelé par le site si particulier, où les tombes jouxtent les demeures de vivants. Là également, il rencontrera Fiona, une authentique Marami, descendante de ce peuple éparpillé, qui lui confiera le Talisman et le Cantique qui raconte l’histoire d’un exil éternel et l’attachement d’un peuple à une histoire dispersée par le vent. Charles tâchera aussi de percer le secret de Kopf et découvrira une histoire terrifiante. Alors que la nouvelle Maramisa s’érige, il se retrouvera enfermé dans un niveau intermédiaire, entre d’une part les entrailles d’une cité inaccessible, réservées à Kopf, Fiona et leurs enfants, et d’autre part un « resort » touristique ignoble où se prépare un show excessif autour de Maramisa. Dans ces abysses, la vérité, petit à petit, se manifestera… Vidéos . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Le désir de mémoire : contre l'instrumentalisation de la Shoah

    > < Le désir de mémoire : contre l'instrumentalisation de la Shoah Essais Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Karthala 2020 Poche : Depuis 75 ans, l’Occident tente de digérer le désastre absolu qu’il a provoqué et subi à la fois : la Shoah. Tout ce qui fondait la fierté, l’orgueil de l’Europe – sa culture, ses valeurs, sa « civilisation » – a été remis en cause, bouleversé par ce crime sans précédent. L’idée de la « solution finale », sa mise en œuvre active, la tolérance passive ; comment cela a-t-il été possible ? Depuis 75 ans, nous tentons de comprendre ce « passé qui ne passe pas », pour reprendre les mots de Ricœur. Mais nous voulons que les jeunes en fasse un élément fondateur de leur mémoire. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, la jeunesse n’a été sommée de répondre à un devoir aussi impérieux et extravagant. Le « devoir de mémoire » est devenu un dogme qu’il est malvenu de remettre en question, sous peine d’être accusé de révisionnisme, voire de négationnisme. Pourtant, cela ne va pas de soi. Pourtant, les jeunes ne comprennent plus pourquoi ils « doivent » faire mémoire de la Shoah plus que d’autres génocides, plus que d’autres drames. Pourtant, il est nécessaire de se souvenir. Si l’on met le « devoir » de côté, on est alors en mesure de réfléchir à ce qu’est la mémoire ; comment elle s’articule au réel, comment elle est instrumentalisée, quelles sont ses parts d’omission, quel est le rôle de l’oubli dans la remémoration… Tel est le propos de cet essai : toute mémoire est d’abord un récit construit sur un réel définitivement hors de portée. Si l’on veut qu’une mémoire soit vivante, si l’on veut qu’elle ne soit pas exclusivement tournée vers la mort, il convient de poser les termes d’une mémoire qui aide à vivre. Il convient de substituer le désir au devoir. ​ Pour écrire cet essai, j’ai bénéficié de la collaboration d’Amaury Dehoux, Bertrand Grimonprez, ainsi que d’un apport de Thomas Dedieu. . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Vae Victis

    > < Vae Victis Nouvelles Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Le grand miroir 2001 Poche : Pourquoi le narrateur, Baptiste Morgan, accepte-t-il de se rendre à Rome, ville adorée, à l’invitation de Marek Mauvoisin, alors qu’ils n’ont plus de contact depuis des années? Pourquoi Marek Mauvoisin invite-t-il son ancien collègue dont il n’avait pourtant pas supporté les critiques publiques à son égard ? Un jeu se dessine en forme de promenades au cœur de la ville éternelle. Malheur aux vaincus… Cela faisait des années que je ne pensais plus à lui. Pourquoi l’aurais-je fait, d’ailleurs ? Marek Mauvoisin était entré dans mon existence de manière singulière qui, sans le recours à la poste, aurait été brutale ; nous étions devenus ce qui, étant donné son caractère et la différence d’âge, se rapprochait le plus de l’idée que l’on se fait de l’amitié pour les adultes, et qui n’est le plus souvent qu’une déclinaison au cas privilégié des relations humaines. Cela avait duré quelques années, durant lesquelles nous nous vîmes régulièrement mais rarement. J’étais trop jeune, au début, pour le mettre en cause, bien que je fusse au courant des particularités de son comportement public et politique, dans ce domaine de la culture où je devenais, petit à petit, acteur à part entière. Puis, je pus prendre la parole ; ni envers lui ni envers personne d’autre, je n’ai jamais accepté de mettre mon esprit critique en sourdine. Je fus critique, dans le sens le plus neutre et objectif du terme, à son endroit. Publiquement. Il ne me le pardonna pas, même s’il ne s’en ouvrit jamais en face. Devenus collègues, nous avions cessé d’être amis. Lorsque nous nous croisions, de loin en loin, nous n’échangions plus qu’un salut neutre et convivial, comme on apprend à le pratiquer en société. Il avait été blessé ; je le sus par autrui. La rupture fut prononcée par un juge implacable : celui du temps qui passe et du malentendu qui s’approfondit. On imagine d’abord qu’il faudrait en discuter franchement ; puis on songe que la discussion sera longue, qu’il faudra du temps pour combler les années passées ; enfin, on constate que l’effort à accomplir est disproportionné avec le résultat escompté, et que des liens qui se sont défaits à ce point ne gagneront pas grand-chose à être renoués. Je m’étais résigné : quoi qu’il en pensât, je lui conservais mon estime et une certaine admiration, mêlées au sentiment que le goût du pouvoir avait gâché une intelligence exceptionnelle, comme c’est souvent le cas. Je me servis de ce souvenir pour éviter certains pièges, et je tombai dans d’autres chausses trappes que réserve toute carrière. J’en étais à ce stade où la sécurité de l’emploi, normalement, vient rassurer ceux qui en profitent après des années d’incertitude et de travail épuisant. Pour ma part, et je n’en fais pas une fierté, cette tranquillité sociale m’inquiétait ; j’avais obtenu ce poste universitaire pour prouver à une série de gens qui appartenaient à mon passé que j’étais capable d’accéder à un niveau qu’ils n’envisageaient pas pour moi. Des professeurs de lycée. Mon père. Les premiers, à présent, n’avaient plus la moindre importance. Ils apparaissaient pour ce qu’ils étaient, non pas tant les minables odieux que je m’étais efforcé de détester tout au long de ces années, mais des êtres humains faillibles, coincés dans une procédure qui oblige à cataloguer le plus rapidement possible. Des gens à l’intelligence parfois moyenne – peut-on leur reprocher ? – mais à qui on confiait la responsabilité énorme de décider de l’avenir et de l’intelligence des jeunes gens dont ils avaient la charge. Je préférais ne me souvenir que de leurs collègues qui n’avaient certes pas pu toujours contrebalancer leur pouvoir – car il semble que chez nous, une loi tacite accorde le plus de pouvoir aux plus médiocres –, mais qui m’avaient permis de développer ma curiosité et mon goût pour l’écriture. Quant à mon père, était-il heureux de me voir à ce haut niveau de la réussite sociale que représentait le glorieux statut de « professeur d’université » ? Je ne me prononcerai pas ici sur ce cas. Toujours est-il, donc, que je ne croyais pas devoir me réjouir de cette nomination définitive – le « définitif », dans la carrière, signifiait trente ans à tirer avant le paradis de la retraite –, et que je refusais d’envisager la perspective d’un terme si long sans bouger, sans changer. L’inquiétude, pour être franc, ne fut pas immédiate. Durant les premières années, je savourai cette victoire. Il fallut une dizaine de rentrées académiques pour que la routine enclenchât le processus d’inquiétude que j’évoque ici. Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Les Angéliques

    > < Les Angéliques Romans Infos Sous le nom de : ​ 2005 Livre de Poche Édition : Fayard 2004 Poche : 13 juillet 1788 : un terrible orage secoue la France du Sud au Nord, semant la désolation dans un pays déjà éprouvé par la sécheresse, la famine et les incuries de la Cour. Au fond d’un val perdu, le tyrannique vicomte Baptiste de Ruspin, châtelain de la Follye, tue l’un de ses paysans. Son fils Népomucène, jeune homme éclairé, nourri de la lecture des Philosophes, saisit aussitôt ce prétexte pour l’arrêter et mettre en place la société démocratique à laquelle il aspire. Entouré d’Agnès, sa tendre épouse, et de quelques amis sûrs, il proclame, le 14 juillet 1788, la République d’Avau. Mais il est difficile de donner aux hommes ce qu’ils ne peuvent ou ne veulent recevoir. Il ne suffit pas de proclamer « Liberté, égalité et frugalité » pour changer en citoyens de braves paysans dressés à l’obéissance aveugle. Sans compter les rivalités intestines, les trahisons, sans compter les maris déshonorés, les femmes bafouées, les enfants enlevés – l’ordinaire d’une société qui vit en cercle fermé, avilissant chaque jour un peu plus des esprits pourtant gagnés à l’idéal républicain. Durant cinq ans, sous l’œil méprisant de son père emprisonné, Népomucène se bat contre tous, jusqu’à ce que la France républicaine redécouvre cette Follye isolée dans sa vallée, et la reprenne sous son aile froide et sanglante… Que reste-t-il de la révolte quand l’Histoire la fait Révolution ? Que reste-t-il des hommes éclairés, quand leurs ambitions et leurs intérêts s’affrontent ? Que reste-t-il des femmes, soucieuses de préserver l’essentiel, quand « les beaux rêves font les vies tristes » ? Cette utopie, qui manifeste avant l’heure les espoirs et les errements de la Révolution de 1789, est aussi une histoire de haine entre un père et son fils, entre un aristocrate de l’Ancien Régime, adepte de Machiavel, et un jeune homme visionnaire autant qu’artisan du drame qui ensanglantera le pays d’Avau. ​ À propos de ce roman… ​ Au départ, ce roman comportait deux parties : à cette première partie des Angéliques – récit d’un projet utopique et collectif – devait succéder l’évocation des « diaboliques », deux générations plus tard – récit d’une vengeance individuelle. Mais à l’époque, Claude Durand avait préféré scinder les deux, de peur de décontenancer le lecteur. Je pensais intégrer ces « Diaboliques » dans un Décaméron qui n’a jamais vu le jour (mais qui fut pourtant écrit). En 2014, à la demande de Xavier Vanvaerenbergh, fondateur et directeur des éditions Ker, j’ai accepté de lui confier Les Diaboliques . Et j’aimerais bien que les deux titres se retrouvent réunis, un jour, dans une collection de poche… Ses bottes usées soulevaient une poussière sèche et pauvre, que la chaleur accablante et le vent qui commençait à souffler laissaient flotter jusqu’aux genoux de la petite troupe qui le suivait. Le vicomte Baptiste de Ruspin fulminait. Chacun de ses pas, chacune de ses paroles, le silence des paysans dans son dos, leur front qui s’inclinait toujours plus bas, leur menton fuyant blotti dans leur poitrine, tout cela composait le mouvement crescendo de sa colère. Il les détestait comme il détestait le monde, lui compris, comme il détestait la vie et ce qu’elle l’avait contraint à devenir. Ce qu’il laisserait derrière lui, à commencer par son passé qui lui semblait de plus en plus étranger. Et détestable pour ce qu’il lui laissait comme lambeaux de bonheur. Ses cheveux clairsemés, gris et bouclés, se bousculaient à sa traîne, semblables à une de ces perruques qu’il ne portait plus et qui pourrissaient dans quelque armoire du château. Oubli véniel ! Il pourrait toujours venir à ses fils la fantaisie de l’en couvrir lorsqu’il serait couché dans sa bière. Qu’ils se moquent de lui à cette heure ! Baptiste était prêt à tout, rien ne lui serait épargné. Mais lui n’épargnerait personne, à commencer par ces idiots de gueux, incapables et soumis – seulement capables d’être soumis, et pas même d’exercer la misérable fonction pour laquelle Dieu les avait pourvus de bras ! Que seraient-ils sans Baptiste ? Des chiens errants et pouilleux ! Ils ne possédaient rien, ne pouvant rien conserver sinon leur vie pitoyable ; les alleux étaient aux Ruspin depuis toujours, et qu’en auraient-ils fait s’ils en avaient été propriétaires, ces rustres, qu’en auraient-ils fait d’autre que ces champs miséreux que Baptiste arpentait au pas de charge, la main crispée sur le pommeau d’une épée – était-ce bien son père qui la lui avait offerte alors qu’il avait vingt ans, cet objet avait-il vraiment pu lui paraître un jour admirable ? Tout était loin, le spectre qui lui tendait ce cadeau était plus flou que les ombres qui cherchaient à rattraper la sienne, en ce treize juillet 1788. Qui avait été son père ? Baptiste serra son épée plus fort encore, tout était mort et sec comme les épis que l’arme à son flanc massacrait, ajoutant à la poussière du sol celle d’un grain que l’on ne récolterait pas. Il percevait le souffle rauque et court des paysans qui peinaient à le suivre, lui, ce vieillard de soixante-trois ans, plus riche qu’eux d’un nom et d’une terre qui ne valait rien, d’un château en ruines, de deux fils inaptes, l’un débile et l’autre abruti par les livres de ces philosophes fous que l’on aurait mieux fait de pendre, et riche aussi, le vicomte Baptiste de Ruspin, d’une femme trop belle et trop jeune dont la soumission n’avait jamais été que duperie – duperie, l’horizon de sa vie depuis trop d’années et pour combien encore ? Baptiste de Ruspin n’était sûr que de ses fantômes et ils étaient trop nombreux ceux qui l’avaient abandonné. La fidélité des morts était un leurre pour apaiser les vivants. Le vent montait en bourrasques. La pluie n’allait plus tarder, avec l’orage pour déchirer cette insupportable chaleur. Gaspard et Marcel, les deux paysans les plus proches, tentaient en vain de l’amadouer, de lui expliquer : depuis des mois, la sécheresse détruisait leur travail, c’était pareil dans toute la région et même pire, à tout prendre le vicomte devait être satisfait, il y aurait des récoltes, monseigneur avait été avisé, et son intendant Rivoir aussi. Mais Rivoir, le géant roux, fit taire Gaspard, ce qu’on voyait c’était des épis malades d’où s’envolaient des essaims de mouchettes. Baptiste fut écœuré d’entendre Rivoir rabrouer Gaspard, il savait que le paysan avait raison. L’intendant était encore plus bête qu’eux, plus servile – mais il était mieux traité, choyé, le meilleur moyen pour rendre les chiens féroces, prêts à tuer pour défendre la main qui les nourrissait et les flattait. Baptiste détestait aussi Rivoir et il devinait que l’homme ne l’aimait pas – comme tous les autres, on le craignait, on le redoutait, ceux qui l’avaient aimé étaient morts, elle surtout, Rose-Marie dont ne subsistaient qu’un méchant portrait perdu dans une pièce oubliée du château, et ces deux fils, le fol et le lâche, le cadet qui avait tué sa mère pour gagner une vie de rat, le cerveau en bouillie qui prenait des vessies pour des couronnes, les oiseaux pour des anges et son père pour dieu quand ce dieu ne le maudissait pas, pour un démon tout-puissant quand il portait sur lui son regard terrifiant. Octave, fils mort-né né d’une morte, boulet de chair plus stérile que ce blé ! Non, rien ne serait épargné à Baptiste, vicomte de Ruspin, maître de la Follye d’Avau, trou infime coincé dans les fesses du diable, oublié de Dieu et des hommes, maître de rien sinon de ces chiens, de cette poussière, de cette chaleur étouffante qui accablait le pays depuis si longtemps que Baptiste, vieux pourtant de soixante-trois hivers, ne se souvenait plus de ce qu’était la fraîcheur – celle des lèvres de Rose-Marie était perdue à jamais, celle du tombeau semblait lui être refusée pour toute éternité, en châtiment de quoi ? d’avoir survécu à Rose-Marie, d’avoir voulu conserver ce val maudit en vie avec ses habitants dégénérés. Un éclair, encore éloigné, fit dresser le nez aux marauds, Rivoir le premier que toutes les manifestations de violence effrayaient et qui répandait sa peur en violence sur les plus faibles. À la lisière du parc, se profila la silhouette du pavillon que le vicomte avait transformé pour Françoise, sa seconde épouse, femme-enfant épousée pour qu’elle s’occupât de ses enfants, de l’infirme et du sot, fillette presque arrachée au naufrage des siens pour venir couler avec les Ruspin, pour le pire et le pire ; un caprice ce pavillon, une folie pour amadouer une captive, la convaincre d’obéir à son mari et de lui être fidèle, à ce vieillard qui la voulait sous son toit et dans son lit, qu’avait-elle rêvé d’en faire à l’insu de son seigneur et maître ! Tout le monde, depuis la mort de Rose-Marie, ne songeait qu’à le berner, qu’à profiter de lui. Baptiste était las et rageur, las de rager, furieux de cette lassitude pas assez forte pour lui ôter cette volonté de vivre et de régner chevillée à son corps plus qu’à son âme, cette âme dont le salut lui importait si peu, ne fut-ce que pour contrarier ce paltoquet de curé qui avait renoncé à sauver le premier de ses paroissiens. Qui pouvait comprendre ? Personne, personne ! Une rafale de pluie le força à baisser la tête, mais Baptiste redressa le menton pour boire cette eau qui venait trop tard, personne, personne dans ce royaume perdu n’assumait plus ses devoirs, pas même les nuages, mais Baptiste de Ruspin ne renonçait pas, ses bras continuaient à s’indigner, sa gorge à vociférer, ses yeux à haïr cette vermine qui prétendait à l’humanité et qui ne valait pas le cochon dont elle se repaissait, ses fils compris et tous les notables de cet esquif en perdition ! Les éclairs sur les frondaisons se multipliaient, lointains encore mais soutenus par une artillerie sourde et menaçante. La pluie cessa subitement, comme un général suspendait les mousquets pour préparer la charge de la cavalerie. Le vent bondissait de toutes parts, tourbillonnant dans les plis des habits élimés, ceux du vicomte à peine moins guenilles que ceux des paysans massés dans son dos, qui écoutaient sans comprendre cette carcasse rugissant avec les rafales, mêlant à ses récriminations des noms de morts dont seuls les vieux parlaient parfois, le père du vicomte noyé dans les étangs le jour de ses cinquante ans et les frères du seigneur tous disparus aux combats que commandait le roi, aux duels que requérait l’honneur, aux abîmes qu’ouvraient les maladies, et le long fantôme hurlant d’une mère pleurant ses disparus et houspillant l’unique survivant qui s’était durci à la folie de sa mère, mais il fallait qu’il comprît, cette fois ce n’était la faute à personne et tous, là sur le champ fouetté par la bourrasque et l’épée du vicomte, tous, Baptiste le premier, pleuraient l’absence de celle qui aurait tout apaisé, la tempête du ciel et celle de son mari, qui avec l’amour aurait dicté la raison. Les énormes nuées venues du Sud débordèrent des bois et ensevelirent champs et pâtures, couvrirent pavillon et têtes. Le vicomte Baptiste de Ruspin ne remarquait rien, il puisait dans l’orage des forces pour étendre sa colère, pour allonger ses cris et ses récriminations, pour maudire un chapelet de gens présents et absents. Des gouttes lourdes comme des balles se mirent à tomber et le ciel bientôt n’eut plus que les éclairs pour illuminer la scène. Rivoir, aussi effrayé que les paysans, tenta de convaincre son maître de se mettre à l’abri. En vain. La pluie grossissait et Baptiste comprit, comme les paysans devant lui, que le peu qu’on aurait pu sauver des récoltes allait être anéanti. — Qu’avez-vous fait à mon domaine ? hurla le vicomte comme un loup pris au piège. Qu’avez-vous fait d’Avau ? S’en prenait-il aux nuées, à Dieu ? Les hommes présents savaient qu’ils étaient responsables de ce désastre, chaque paysan et Rivoir également, tous coupables de l’infortune qui ravageait la France et leur pays, leur vallée coupée du monde et des vivants, pétrie de forêts et de champs lourds. La plainte du vicomte ne s’apaisait pas, le tonnerre sur leurs têtes ne parvenait pas à la couvrir, c’était comme si l’un et l’autre s’unissaient, se nourrissaient, enflant sans relâche de clameurs en craquements, d’éclats en éclairs. La chaleur écrasante fut balayée par la tornade glacée, les gouttes durcirent et la grêle, une grêle d’enfer, grosse comme le poing serré du vicomte, s’abattit sur eux. Pas un pourtant n’osa se soustraire à ce déluge qui les assommait, rivés à la boue devant le seigneur d’Avau qui commandait aux éléments, l’épée tirée du fourreau sillonnant l’obscurité, vitupérant contre la terre entière et ses représentants, quelques manants affolés et résignés à mourir là, ensevelis dans cette apocalypse de glace et de feu que le curé avait parfois prédite les jours de colère. — Marauds ! Contemplez le désastre, tout est perdu par votre faute ! Nous sommes tous châtiés pour votre crime ! Gaspard fit un pas en avant, tâchant de se protéger des blocs de glace qui martelaient son crâne. — Monsieur le vicomte, par pitié… Seul Baptiste perçut le mot. — Pitié ? Avec quoi viens-tu, espèce de gueux ? Qui peut encore avoir pitié ici, et de qui ? Avez-vous eu pitié de moi ? L’aurez-vous jamais ? Que savez-vous de ce que j’ai enduré pour vous permettre de vivre, troupeau d’ânes ingrats ? Pitié ? Tu es fou, Gaspard, tu m’entends ! Ne prononce jamais plus ce mot devant moi ! Le vicomte s’était approché du paysan, il hurlait mais la tempête eut raison de sa voix, plus personne ne l’entendit, tous pelotonnés sur le sol pour ne pas être emportés, même Rivoir roulé en boule comme un chien terrifié qui n’osait pas abandonner son maître qui sombrait, et Gaspard ne comprenait pas non plus, pétrifié, tenant à peine debout, il ne cherchait plus à se défendre de la grêle, les yeux rivés sur le spectre vociférant à deux pas de lui, dansant dans les tourbillons, son épée luisante qui passait et repassait à deux doigts de son visage. — Personne n’a jamais eu pitié de moi, tu m’entends ? Je suis resté pour vous, pour vous éviter de redevenir tout à fait des bêtes, et pour mes idiots de fils qui ne seront pas capables de sauver le domaine, je suis là par devoir, Gaspard, est-ce que tu peux comprendre cela ? Je ne veux plus rien, je n’ai plus aucune joie, je n’attends plus rien mais je reste parce qu’il le faut, parce qu’il le faut ! Gaspard crut entendre le dernier mot et comprit que la faux de la mort s’abattait sur lui. Le souffle lui manqua et une étrange chaleur, dans ce torrent de glace, ruissela sur son cou et sa poitrine. Ses jambes faiblirent, le vicomte avait disparu, le vacarme de la tempête s’estompait dans un battement assourdi et irrégulier, de plus en plus irrégulier contre ses tympans. Le vent le fit tournoyer sur lui-même avant de le projeter au sol, et la grêle le recouvrit de blanc. Avant que tout s’éteignît, ses lèvres balbutièrent un dernier « Pitié », mais Baptiste ne le soupçonna pas, qui contemplait livide la masse à ses pieds et l’épée dans sa main. De sa tanière de bras repliés, Rivoir avait suivi la scène et compris le drame. Il se redressa et, hurlant de terreur, s’encourut vers le village. Le vicomte ne chercha pas à rappeler l’ours roux affolé et fut secoué par un ricanement malsain qui ne le soulagea pas. Les grêlons s’espaçaient. La pluie revint. Quelques têtes se relevèrent, ahuries. — Vous ne méritez pas ma peine ! rugit encore le vicomte Baptiste de Ruspin. Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Médiocrités

    > < Médiocrités Essais Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Luc Pire 2001 Poche : . . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Mayday

    > < Mayday Théâtre Infos Sous le nom de : ​ - ​ Édition : Edern Ker 2006 2013 Poche : Notre époque a-t-elle tué la tragédie ? Celle-ci ne survit-elle plus que sous des formes dégradées, dans les séries télévisées et les faits divers ? Dans Mayday, Jason et Médée sont devenus des acteurs de séries B que dirige, sans enthousiasme, Youri, avatar défait d'Euripide. Jason rêve de devenir cosmonaute et ne reconnaît pas dans Mady la figure de sa tragédie?; elle n'a jamais rien oublié et poursuit sa vengeance à travers le temps. Un spectacle « multimédia » sur l'usure du tragique et le drame d'une société sans mémoire. . Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

  • Le mariage de Dominique Hardenne

    > < Le mariage de Dominique Hardenne Romans Infos Sous le nom de : ​ 2012 Livre de Poche Édition : Jean-Claude Lattès 2010 Poche : Un trio improbable se retrouve plongé dans une guerre qu’aucun ne comprend. Maillard, qui ne pense qu’aux filles et Dominique Hardenne, le fermier, qui transporte la douleur secrète d’une rupture amoureuse avec Nathalie. Tous deux sont menés par le caporal Bizot, qui n’aime pas commander, chargés de nourrir des troupes qui ne savent pas qui elles combattent. Maillard et Bizot mourront par où ils ont vécu. Hardenne survivra, lui qui ne pense pas beaucoup et n’ose plus aimer. Il se retrouve peut-être seul survivant du désastre – comme croit l’être chacun lorsqu’il est plongé dans la perte. Il revient chez lui, où il n’y a plus que des morts et des images. Des traces incomplètes à partir desquelles il va essayer de comprendre ce qui s’est passé, mais surtout inventer une nouvelle existence, en rendant du même coup à la terre le goût de vivre. Madame Amédée, l’ancienne bigote devenue tenancière de bordel, Nathalie, qu’il retrouve et tente de reconquérir, ses parents, le curé… Sans oublier Maillard et Bizot, ses deux frères d’armes dont il transporte les reliques : une photo et un carnet de notes. Quel sera le pire ennemi de Dominique Hardenne ? La folie distillée par la solitude ? Celle, meurtrière, des hommes et de la guerre ? L’indifférence de la nature, peu encline à se laisser à nouveau maîtriser ? Ou les insectes ? Dans sa hantise croissante de ne pas laisser la terre aux cloportes, Hardenne ramène peut-être l’humanité à ses peurs et ses rêves fondamentaux. Le Mariage de Dominique Hardenne Contrairement à ce que d’aucuns prétendent, ce roman n’a pas déjà été publié à l’Instant même sous le titre La vie oubliée . Bien sûr, il y a des similitudes, mais j’ai retravaillé en profondeur ce roman. Pour tout dire, c’était la cinquième fois que je l’écrivais, cette «Nature morte» comme je l’avais intitulée dans sa deuxième version. Tout était parti d’un exercice d’écriture en classe, alors que j’avais 16 ans : notre professeur, André Darimont, avait apporté un tableau peint par sa fille, qui représentait une ferme bleue. J’avais raconté l’histoire d’un homme qui rentrait chez lui et ne trouvait que des ruines et des morts. Cette nouvelle est toujours en partie imbriquée dans le roman, telle qu’écrite à l’époque. Avec ce roman, j’ai battu un record : une cinquième sélection infructueuse au Prix Rossel ! J’ai cru, il y a peu, qu’Alain Berenboom était un concurrent, mais il a enfin décroché ce prix. Ouf ! Il y a des titres auxquels on finit par s’accrocher… Depuis des jours, et pour combien de jours encore, Dominique Hardenne marchait. Il détestait le paysage autour de lui, un paysan ne pouvait pas aimer la terre brûlée, couverte de cendres sales et de bêtes appliquées à y pourrir, tout ce gâchis qui ne servirait même pas à engraisser les champs pour une récolte prochaine. Quand elle s’y remettrait, la terre, Dominique n’en savait rien, les bombes ne se contentaient plus d’exterminer les gens, elles tuaient l’avenir aussi, et il ne fallait rien espérer avant… Dominique n’osait pas compter le nombre d’années qu’il fallait mettre dans cet avant. Il contemplait le désastre à travers le plastique épais de sa combinaison, et il en avait assez de ce costume étouffant qui le gênait aux entournures. Dominique n’aimait ni le ravage du pays, ni sa combinaison, ni le soleil, ni aussi, pour tout dire, la soif et la faim malgré les pilules militaires, nutritives et inspides. Il n’aimait pas, mais il serrait les dents, parce qu’il n’y avait pas que les charognes des animaux ; il y avait aussi celles des hommes, des femmes et des enfants qui avaient rejoint le bétail dans la pourriture. Vivre ; il n’avait jamais rien voulu d’autre, ou si rarement, alors il refusait qu’on lui refuse ce petit plaisir, même s’il y avait plus drôle comme vie que cette marche dans la république des atomes en folie. Sans parler de l’odeur ; rien que pour cette raison, il l’aurait gardée, cette tenue qu’il avait toujours trouvée moche, pendant la guerre. Il en avait ri avec Maillard et Bizot, ils étaient sûrs qu’il ne faudrait jamais s’en servir, et puis voilà, Dominique Hardenne s’en était servi, et il était le seul sans doute à marcher au milieu de cette désolation, et il ne riait plus en pensant qu’il avait trouvé cette pelure épaisse et ridicule. Sûr, Bizot, c’est pas le ridicule qui tue. * Cette guerre était passée par toutes les couleurs et Dominique Hardenne n’y avait jamais rien compris. Il y avait longtemps que les massacres du vingtième siècle ne servaient plus qu’aux films, et Dominique n’aimait pas le cinéma. S’il y en avait des autres, de guerres, c’était bien possible, chez les pauvres sans doute qui faisaient leur chemin vers la civilisation, mais Dominique ne s’en préoccupait pas ; dans le village, on n’écoutait plus les informations, sauf pour la météo. Histoire de s’en moquer, les savants se trompaient autant que les paysans qui n’avaient que leurs yeux et leurs rhumatismes pour prévoir le temps. Match nul, le climat se foutait du monde chaque année davantage. L’impuissance de l’arthrose valait celle des neurones. Le grand détraquage. On sentait bien que « là-bas », ça n’allait pas comme dans le meilleur des mondes, mais on s’en éloignait de plus en plus, de « là-bas », c’était trop loin, trop distant. Même voter ne servait à rien. Pourquoi s’en faire ? On aurait toujours besoin des paysans. Quoi qu’on dise. Le meilleur des mondes, ce serait toujours un pays, un vrai, où la terre se soumet aux mains des hommes qui la respectent et qui la servent. Un pays où les champs regorgent des fruits de l’eau et du soleil. Où les pieds de Dominique se posaient, bien à plat. Alors, quand la guerre avait éclaté, les gens du village avaient été surpris. Contre qui, pourquoi ? Avec la mobilisation, on avait rallumé les télévisions ; où partaient les gamins, à quoi ça servait, ce nouveau gâchis. Comme si le siècle passé n’avait pas suffi. Il avait fallu que les frontières ressortent de terre, que le monde, une fois de plus, se laisse détricoter. On aurait beau vouloir expliquer, il n’y avait plus rien à faire. Rien à dire non plus. Prix littéraires - Édition Présentation Extrait Presse Acheter EXTRAIT

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