L’aubaine, Rose-Marie François, Bruxelles : Luc Pire, 2009. 155 p. (Grand Miroir). 16 €
La littérature est pleine de romans sur les victimes et l’héritage difficile que leurs souffrances impose à leurs descendants. On parle moins de l’héritage de la culpabilité du bourreau. Du bourreau ou de ceux qui lui furent proches, trop proches souvent. Dans “L’aubaine”, Rose-Marie François nous invite à un repas familial aux apparences banales. Mais nous sommes en Alsace, croisée des mondes, tranchée séculaire. Entre Allemagne et France, entre bourreaux et victimes, les générations d’après-guerre tentent de vivre, d’oublier, de reconstruire. Les fantômes sont nombreux, et le mort toujours saisit le vif. Sur de tels sujets, il n’y a pas une vérité. Rien que des vérités fragiles construites par chacun. C’est pourquoi ce roman est polyphonique. Chacun fait entendre sa voix, mais aussi son silence. Lequel met en lumière la parole de l’autre, et ses manques. Le roman sensible d’une poétesse qui sait ce que sont, entre ombres et lumières, la marche sur le fil des frontières et la navette qui tisse entre les peuples le tissu fragile de la culture.
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