Mon monde
Jusqu’en 2016, lorsque je rencontrais mon public et qu’on me demandait pourquoi je n’écrivais pas sur moi, sur mon histoire personnelle, je répondais toujours : “parce que ma vie n’a aucun intérêt”. Jusqu’au jour où j’ai donné cette réponse à la thérapeute que les événements de cette vie sans intérêt m’avait conduit à rencontrer une fois par semaine. “Vraiment?”, s’est-elle contentée de répondre.
J’avais bien, depuis longtemps, l’envie d’écrire un livre qui croiserait l’histoire de mon père, Simon Engel, Juif polonais venu à Liège en 1938 pour y faire ses études, ce qui lui permettra d’échapper aux Allemands puis d’intégrer les forces belges de la RAF en tant que navigateur dans les bombardiers, et celle de mon grand-père, Louis Baillon, que je n’ai quasiment pas connu, avocat, député catholique avant guerre, grand défenseur des petits indépendants, farouche opposant à la Grande Indépendance (celle du Congo), et sans doute un peu antisémite, sans le savoir.
Je rentrais dans une des époques les plus dures de ma vie; je me suis laissé convaincre par ma thérapeute et j’ai commencé l’écriture de ce livre, qui ne portait pas encore le titre actuel.
Memor: je voulais débuter par mes morts et par la mémoire. Presque tous les membres de famille de naissance étaient morts, sauf mon frère, appelé Isaac dans le roman. Trois voix : celles de mon père et de ma mère, qui m’interpellent, des textes dans lesquels se mêlent des fragments, voire des pages entières écrites par elle ou lui ; et puis Alter, mon troisième prénom, dans un récit à la troisième personne.
Errare est pour l’essentiel un véritable roman, autour de quelques éléments véridiques liés à mon frère Isaac.
Quant à Vincere, la troisième partie, j’ai d’emblée su que, pour la première fois dans ma carrière d’écrivain, j’étais face à un texte que je devais vivre avant de l’écrire.