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Un jour, ce sera l'aube

Un jour, ce sera l'aube

15,00 €Prix

Ce roman occupe une place très particulière dans mon histoire d’écrivain. J’en parle brièvement dans «Requiescat Mater», la nouvelle que je consacre à la mort de ma mère dans La vie, malgré tout :

 

Je n’osais plus te montrer ce que j’écrivais. Trop intime. J’y vivais trop souvent ta mort. Alors, j’avais écrit une histoire, pour toi, une histoire d’aube lointaine et promise. Étrangère à nous, pensais-je.
Je l’ai relue. Je n’y parle que de toi. « Je mourrai de ma peur de mourir », y disait un vieux prêtre. Et dans la marge, tu fis un trait, ou tu soulignas le texte. Mais tu ne dis jamais ta peur, sauf quelques rares fois, quand ta force se souvenait faiblesse. Jamais un mot. Frustrer la mort, se moquer d’elle.

Un roman différent de tout ce que j’écrivais alors, marqué que j’étais par une littérature intellectuelle et postmoderne, telle que la pratique Sollers. Un «vrai» roman, qui raconterait une histoire.


Ce fut celle d’Alessandro, ce musicien d’un siècle non précisé, dans une ville qui ressemble à Venise sans que celle-ci soit jamais nommée. L’apparition aussi de Baldassare, qui allait revenir dans Retour à Montechiarro. Une histoire que je réécrirai plus tard, dans Requiem vénitien. Une musique qui parcourt tout "Le Monde d'Asmodée Edern".

  • La première édition de ce roman, dans une collection dirigée par Jacques Carion, s'est faite aux éditions Labor, Bruxelles, en 1995, en coédition avec L'Instant même, au Québec.

    Le titre a ensuite été repris aux 400 Coups, en 2005.

  • Lent mouvement de la botte qui se balançait et donnait à l’eau le rythme las d’une agitation refusée. Le pantalon de velours noir, sans mode, accaparait le peu de vent qui passait, les soupirs qu’exhalait le canal. Sur les genoux, deux coudes ; au bout d’un buste qui se penchait sans force, la tête d’un homme — ni triste ni gaie — appuyée sur deux mains vaincues. L’indifférence du monde qui l’entourait l’avait sereinement envahi ; il y avait longtemps que son dernier désir avait, dans l’eau glacée, creusé son trou minuscule, aussitôt dissipé.

    Plus loin, sur le même quai, un chat inclinait la tête, yeux mi-clos. Il observait l’homme assis au bord de l’eau. Il le connaissait ; ce n’était pas la première fois qu’Alessandro venait ici pour reposer ses idées. Mais l’homme, aujourd’hui, ne lui faisait aucun signe, et ne semblait pas vouloir le caresser. Le chat cessa brusquement de s’y intéresser, et s’occupa de sa toilette.

    Une barque surgissait de l’aube et glissait devant le quai, dans le jour balbutiant, empâté de brume. Le marinier, à la poupe, pouvait dormir encore ; à peine une chevelure qui perçait un amoncellement de laine. Sans un geste à Alessandro, il disparut dans un matin sans teinte, qui refusait d’ouvrir la nuit au jour. Pour Alessandro, ce n’était plus que la mort d’une nuit blanche comme ce matin, blanc sali d’une brume épaisse infiltrée jusqu’en son esprit. Il se leva ; le chat dressa les oreilles, les yeux. Il partit par une ruelle, l’animal par une autre, vers une journée nouvelle sans plus de grâce que la veille.

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