L’Enquête, Philippe Claudel, Paris : Stock, 2010. 278 p. 20 €
“Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : le suicide”, écrivait Camus en ouverture à son “Mythe de Sisyphe”. Claudel prend le problème à bras-le-corps, et mêle à la question camusienne la folie et l’ironie de Kafka. Dans le monde de l’Entreprise, où chaque être est réduit à sa fonction (ou à sa fiction ?), l’Enquêteur se croit plongé dans un cauchemar, une torture continue qui n’aurait aucun autre but que de le rendre fou. Mais pourquoi ? Il n’a rien fait, rien à se reprocher. D’ailleurs, on ne lui reproche rien. Comme K., il devine qu’il risque d’être exécuté pour rien, parce qu’il n’est rien, parce que “ce” n’est rien. La porte de l’Entreprise, contrairement à celle du Château, s’ouvre pour lui, mais elle n’est peut-être jamais la même, et surtout, elle n’ouvre que sur le vide. Un vertige qui, comme chez Kafka, semble n’être destiné qu’à lui. Ou à tous. Après “Le rapport de Brodeck”, Claudel approfondit encore cette introspection de l’étrange en chacun de nous. Magistral.
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