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Les Dystopies de Baptiste Morgan



Baptiste… On dit que les premiers romans sont toujours « autobiographiques » ou, du moins, très égocentrés. Je ne suis pas sûr que ce soit mon cas, mais il est vrai que Baptiste est un de mes premiers personnages consistants, dans roman écrit vers la vingtaine et qui fut l’occasion de la naissance littéraire d’Asmodée Edern (voir « Le monde d’Asmodée Edern »).

Baptiste est mon double, d’une certaine manière, ou un de mes doubles, car il y en a d’autres : Charles de Vinelles, dans la nouvelle et la pièce « L’Imposture » ; Charles Vinel, dans Maramisa ; Alter, dans la trilogie familiale (à paraître).


Ce roman (non publié), intitulé Feux d’eau, comporte deux parties qui fonctionnent en miroir, une dominée par l’eau, l’autre par le feu. Pour la partie « eau », je voulais un nom et un prénom liés à cette thématique. Baptiste : c’était évident. Morgan : le sens originel du nom signifie « né de la mer ». Beaucoup plus tard, alors que Baptiste « existait » déjà, je me suis souvenu d’une anecdote familiale, qui dû jouer inconsciemment dans mon choix : Maman disait qu’il ne fallait jamais lire un livre trop tôt, quand on n’était pas encore en mesure de la comprendre. Elle donnait en exemple ma sœur qui avait lu trop tôt un livre – relu et apprécié des années plus tard. Ce livre ? Fontaines de Charles Morgan.


Toujours est-il que j’ai entretenu avec Baptiste des relations bizarres. J’ai longtemps cru que Baptiste était ce que j’aurais pu devenir si je n’avais pas rencontré celle qui allait devenir la mère de mes enfants. Je pense aujourd’hui qu’il représente la part la plus sensible de moi. Son évolution, entre la troisième partie des Absentes et la troisième partie du prochain Vous qui entrez à Montechiarro, correspond à mon évolution. Au final, c’est lui qui rencontre Asmodée Edern, pas moi. Lui qui a signé la préface au Livre d’Asmodée (que je publierai peut-être un jour), préface que vous pourrez lire ci-dessous.


En tant que personnage, Baptiste est écrivain. Dans une posture paradoxale empruntée au narrateur de La recherche du temps perdu – lequel comprend à la toute fin de ce cycle énorme la manière dont il va enfin pouvoir commencer à l’écrire ; une sorte de ruban de Moebius… –, ce n’est qu’à la fin du dernier volume « toscan » que le personnage de Baptiste a rassemblé tous les éléments qui pourraient lui permettre d’écrire les 5 romans.


À côté de cette imbrication romanesque, Baptiste est bien, à mes yeux, l’auteur de plusieurs romans dont le style est différent des autres, et dont la particularité est de traiter de problèmes politiques et sociaux contemporains. Que son nom ait ou non figuré sur la couverture, c’est lui qui a écrit Mon voisin, c’est quelqu’un, L’art de la fuite et Les vieux ne parlent plus. Et, en tant que personnage, il est une figure clé du Monde d’Asmodée Edern.


C’est en quelque sorte mon Emile Ajar… Sauf que le monde de l’édition n’accepte plus de se faire ridiculiser de la sorte, et que je n’ai jamais rencontré la personne qui accepterait d’assumer le rôle de Baptiste Morgan !


Voici son avant-propos au Livre d’Asmodée Edern


Je dois tout à Asmodée Edern. Sans doute nombreux sont ceux qui peuvent en dire autant. Son aide est un privilège dont il importe de ne pas se vanter. Mais on doit s’en réjouir.
D’autres , peut-être, raconteront un jour comment nous nous sommes rencontrés. Je l’ai rencontré à Venise, en 1985, et ne l’ai jamais revu depuis. Pourtant, je l’ai guetté, espéré… Jusqu’à ce que je reçoive, sans beaucoup d’explication, un épais cahier recouvert d’une toile grise, comprenant ce manuscrit.
Aucun mot d’explication, sinon la postface contemporaine de la rédaction, n’accompagnait ce texte invraisemblable, écrit, à en croire la mention finale, plus d’un demi siècle auparavant. Pourquoi Asmodée avait-il attendu si longtemps pour publier un récit aussi bouleversant, qui remettait en cause les fondements de notre civilisation ? Pourquoi me chargeait-il de le faire maintenant – car comment interpréter autrement ce don ? Je l’ignore. Tout comme j’ignore s’il faut prendre cette histoire au sérieux. Je me suis rendu compte, après avoir achevé ma lecture, que je ne connaissais pas Asmodée. Affabulateur génial ou démon éternel ? Qu’il ait toujours défendu la morale qu’il prône dans cet évangile diabolique, tous ceux qui l’ont rencontré pourront l’attester. Doit-on pour autant croire qu’il a réellement vécu ces événements ? Le vertige s’empare de moi ; dois-je alors considérer qu’il fut témoin et acteur des multiples récits dont il nous abreuvait sans relâche, avec ce que nous prenions pour une fascinante imagination, mais qui n’était peut-être qu’une remarquable mémoire ? Je n’ai pas de réponse à cette question, et je doute que le lecteur de ce récit puisse en apporter une. Quoi qu’il en soit, éternel ou non, Asmodée a décidé que je n’avais plus besoin de lui. Il a disparu. Et quelle que soit sa nature véritable, c’est pour moi comme une mort dont je reste inconsolable.
À ceux qui crieront au sacrilège, au nom de leur foi outragée, j’aimerais répondre, comme Gary, que seul le sacré peut supporter le blasphème. Si la religion chrétienne devait succomber à cette publication, c’est qu’elle n’est plus qu’un fantôme prêt à se dissiper à la première bise. Quant à l’auteur de ces pages, je l’ai dit, j’ignore où il se trouve. J’assume ma responsabilité d’éditeur, convaincu que si un Dieu de bonté existe, il ne pourra qu’applaudir à ce récit, et que s’Il est tel que le décrit Asmodée dans ce livre, il n’est que justice de lutter contre lui sans relâche ni répit.

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