Bonjour,
Dans le cadre d'un travail je dois en savoir un peu plus sur votre "belgitude" monsieur Engel, c'est à dire si vous acceptez pleinement votre appartenance à la Belgique, si vous situez souvent vos histoires en Belgique ou si vous reniez votre nationalité dans votre cadre professionnel ou simplement si c'est quelque chose qui n'a pas d'importance pour vous.
J'espère que vous pourrez m'éclairer.
Tout d'abord, j'ai une détestation profonde pour tout ce qui se rattache, de près ou de loin, au nationalisme. Comme le chante Maxime Le Forestier, "Être né quelque part, c'est toujours un hasard". Maintenant, soyons justes : il y a des hasards plus heureux que d'autres et je suis donc plutôt heureux d'être né dans cette partie du monde. La Belgique est un pays rigolo, assez absurde, fantasque. En tout cas, jusqu'à un certain point. C'est aussi un pays amnésique, comme pour son passé colonial.
Ma mère disait que la Belgique, c'était la "kermesse héroïque", en référence au film de Jacque Feyder (1935). Autrement dit, toutes les armées d'Europe sont passées sur nos terres (et sur leurs femmes), et les "Belges" sont peut-être les plus métissés des Européens, ce qui est incontestablement une richesse (constat ironique qui n'est en aucun cas une justification du viol). La cohabitation des cultures latine et germanique est aussi un atout, pour autant qu'il y ait perméabilité entre elles, ce qui est malheureusement de moins en moins le cas.
Personnellement, je n'ai aucune honte à être belge, même si je n'en ressens pas une fierté envahissante. C'est un aspect de ce qui me constitue. Je me sens surtout Européen, humain. Si je devais choisir une terre, j'opterais pour l'Italie — alors que je n'ai strictement aucun ancêtre italien, à moins de remonter aux soldats romains.
Mes romans ne se situent pas en Belgique, c'est vrai, à quelques exceptions près. Le village de Dominique Hardenne pourrait être en Belgique. "Vae victis" évoque la Belgique. Les nouvelles que j'ai écrites pour M. Belgique et qui viennent d'être publiées chez Ker sous le titre "Belgiques" sont évidemment très belges. Mais ce n'est pas par honte. Si un jour une histoire "belge" s'impose, je n'hésiterai pas.